Critique de 77 par Charybde2
Sublime enfance d’un fief : comment grandir dans le silence du sud 77. Drôle, poignant, inventif en diable : une très belle surprise. Sur le blog Charybde 27 :...
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le 15 sept. 2019
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77 c'est tout d'abord une idée de départ : celle de décrire l'univers d'un adolescent paumé d'un village du sud de la Seine-et-Marne par le biais d'un long et tortueux flux de conscience non entrecoupé de chapitres. Assis à un arrêt de bus, le garçon décide de ne pas monter dans le véhicule qu'il attendait et passe la journée à glander, enchaînant les joints et regardant les voitures qui passent. Chaque détail, même anodin, qui attire son nattention - une voiture bleue, un tracteur au loin - ouvre la voie à la remontée d'un souvenir. Certainement original et cohérent, ce procédé littéraire fonctionne de façon variable. Souvent, la technique du flux de conscience est observée de façon si poussée que l'on peut se trouver désorienté voire dubtitatif face à l'ennième transition entre la couleur de la trentième voiture qui passe et un détail visuel au sein d'une scène vécue quelques années précedemment. Est-ce comme ça que fonctionne un esprit humain ? Peut-être. Est-ce un fonctionnement auquel il est intéressant ou agréable d'assister à la lecture ? À la longue, pas nécessairement.
D'où des moments de potentiel ennui où de "décrochage", qu pourront potentiellement faire fermer définitivement le livre à des lecteurs attachés aux formes narratives "droit au but". Pourtant - et c'est probablement là toute la puissance de 77 - de façon laborieuse, lente et accidentée -, le flux de conscience installe, brique par brique, l'univers, le monde, du narrateur dans l'esprit du lecteur - dévoilement subtil et convaincant.
Ce sont d'abord des éléments biographiques qui surgissent par bribes. Parfois banals (l'ennui, la construction de soi à l'adolescence), parfois très durs (petit TW harcèlement d'ailleurs), parfois étranges (on pense au personnage de la fille Novembre), les épisodes donnent, à la façon d'un subtil puzzle biographique, quelques aspects de la construction d'un personnage complexe, attachant, humain. À noter, certains épisodes psychologiquement très intenses qui m'ont scotché autour du roman par leur justesse, leur force voire leur violence - je pense notamment aux dernières cinquante pages à partir de l'arrivé de Kévin.
C'est aussi un univers spatial et social, suggéré, lui aussi par bribes et associations d'images ou de sens. 77 n'est pas le roman d'un périurbain, tentatuclaire, inhumain et angoissant, motif parfois présent dans la littérature ou le cinéma. L'espace que pose Marin Fouqué est avant tout inégalitaire et divisé, peuplé de figures humaines et de groupes sociaux réels ou fantasmés. Des classes dangereuses fantasmées des cités de Champagne-sur-Seine à la méfiance envers les néo-ruraux parisiens, c'est tout un monde social qui se dévoile sous le regard - évidemment - situé du narrateur. L'oeil de l'auteur paraît nuancé et complexe, loin des thèses simplificatrices de la "France périphérique" : le principal défenseur de la ruralité opprimée et assiégée contre "la ville tentaculaire", ses autoroutes et ses métros n'est-il pas lui-même le dominant voire l'oppresseur à l'échelle de son village ?
Aux frontières de l'expérimental et poussant très loin son concept, probablement parfois trop, 77 n'est pas de ces romans qui accrochent dans le train de la narration dès les premières pages pour ne jamais laisser le lecteur en descendre. le chemin est tortueux, parfois pénible. Mais l'on ressort grandi de cette lecture : de quelques scènes qui restent scotchées aux tripes, d'une perception juste et original d'un espace bien souvent caricaturé, de quelques belles bribes sans concession de condition humaine.
Créée
le 6 août 2023
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