Après Du côté de chez Swann j'ai attaqué ce qui est sans doute l'un des plus beau titre de la littérature française.
Bon, je ne suis pas trop fan de la partie "Autour de Mme Swann" qui raconte les aventures du narrateur avec Gilberte et leur relation.... heu... j'arrive pas vraiment à savoir quelle relation ils ont. Celle-ci est une camarade de jeux, ils se retrouvent au parc, ils se fréquentent, il devient un habitué de la maison, et puis, par une brouille raconté peu clairement, il décide de ne plus la revoir. Et autant, dans le volume précédant, j'étais vraiment pris par l'histoire entre Swann et Odette, autant, le flou (volontaire) laissé par Proust sur la relation avec Gilberte fait que je n'arrivais pas à m'intéresser au tourment amoureux qui le prend lorsqu'il la quitte. Ils avaient un flirt ? Était-ce juste platonique ? Intellectuel ? Je n'ai jamais vraiment compris et le fait que Proust suit volontairement flou sur l'âge des protagonistes me perd encore plus.
C'est d'ailleurs un gros problème du roman : on a l'impression que le personnage principal à tantôt dix ans, tantôt quinze et tantôt dix-huit ans. (Même la préface du livre s'en moque.) Pour le coup, l'universalité des sentiments que je vantais dans le premier tome, se dilue. J'ai l'impression de lire une expérience personnelle et j'ai vite eu envie d'en finir.
De plus le début passe une bonne partie du temps sur un diner où les parents du Narrateur ont invités M. De Norpois. Si l'on sent que Proust nous le présente comme un personnage important, celui-ci est visiblement construit comme une anti-thèse des idées du narrateur, auquel celui-ci se force à faire plaisir (sans doute par envie de plaire à ses parents.) Du coup, on a le droit à un bon paquet de page pas très passionnant et plein de préjugé, notamment son avis sur le monde politique qui est un peu désuet et n'aura que peu d'intérêt pour la suite.
Ceci dit, sur les 200 pages que dure cette première partie, il y a des passages que j'ai bien aimé, comme lorsque le narrateur doit jongler entre le fait que la société adore une cantatrice d'Opéra et sa peur de dire qu'il l'a trouvée médiocre, son arrivé dans la société des Swann (dont il avait dit toute l'admiration lors du volume précédant) les habitudes de l'époque, la description d'Odette et de la société qui la suit, le moment où le protagoniste fait la connaissance d'un auteur qu'il adore... et qui le déçoit profondément. Et puis, Proust écrit bien et possède une prose incomparable.
Et arrive la seconde partie "Nom de Pays : le pays" qui elle, m'a complètement séduite. Que ce soit les vacances à la mer à l'époque de la belle époque, les discussions, le rapport du narrateur à sa grand mère ou à sa bonne, Françoise, son amitié naissante avec Robert de Saint Loup et puis, dans la deuxième moitié, les fameuses jeunes filles en fleurs. Et là, le titre du livre trouve tout son sens avec cette petite bande de filles qu'il aime voir, qu'il a du mal à distinguer au départ les unes des autres.
Même si encore une fois l'âge du narrateur est complètement fluctuant, je me suis reconnu, adolescent, dans ce personnage qui tombait amoureux des filles qu'il avait entr-aperçues (Proust c'est le poème "Les Passantes" raconté sur plusieurs pages) et qui prévoit des milliers de schémas afin de leur adresser la parole. La méprise qu'il fait avec Albertine en tentant de l'embrasser à la fin du livre est le genre de bêtise que j'ai fait une fois autrefois (et dont je me sens encore idiot.)
D'ailleurs, arrêtez de blâmer les gamins qui sont sur leur téléphone portable tout en parlant comme un "problème du monde moderne" : dans un passage, Proust décrit Albertine en train de se concentrer sur son diabolo pendant qu'elle discute avec des amis. Et il est amusant, que même s'il parle d'adolescents de la bourgeoisie et de la noblesse du XIXe siècle, leur comportement rappelle celui de jeunes d'aujourd'hui : ça aimerait connaitre des astuces pour avoir des bonnes notes en rédaction, ça se flatte un jour et se déteste un autre et ça cause avec les argots de l'époque. J'adore Albertine car elle casse tout un coup la prose proustienne avec sa façon de parler bien plus familière et offre une forme de respiration au roman. Et on a tous eu ce camarade à la Bloch qu'on trouvait un peu con et avec lequel on trainait quand même.
Après, il faut avouer que le charme que j'ai pris à la lecture de ce livre est dû au fait que je l'ai lu en été, en partie sur la plage et qu'elle renvoyait en écho à l'été que j'étais en train de vivre. J'en ai un peu fait exprès, ce qui fait que les dernières pages, racontant la mélancolie de la fin de l'été m'a plutôt touché. L'automne arrive pour tout le monde.