"Je voulais écrire quelque chose qui compte, qui justifierait qu'on s'y arrête ; quelque chose de consistant, mais aussi d'honnête, de généreux, qui redonnerait ce que j'avais reçu des auteurs que j'avais aimés". Une phrase du nouveau roman d'Ann Scott, "à la folle jeunesse". Cette phrase en trace subtilement l'intention mais n'en reflète pas nécessairement l'ambition.
"A la folle jeunesse" est un roman important. Comme l'est le "Lunar Park" de Bret Easton Ellis (sans aucun doute son meilleur jusqu'à présent). Ellis qui est d'ailleurs appelé à la rescousse dans la construction habile de ce livre. Important comme l'est aussi "la belle vie" de McInerney" où les "trente ans et des poussières" vieillis, usés se prennent l'apocalypse du 11 septembre en pleine face et en plein coeur. Ce sont des romans vrais, les romans nécessaires d'ex jeunes branleurs insouciants qui se prennent soudain la maturité de leur reflet "auto-fictionnel" dans la gueule. Des romans où les auteurs raniment (sans doute faudrait-il dire "invoquent") d'anciens personnages (Ellis à nouveau dans Suite(s) Impériale(s) d'ailleurs). Mais là ou BEE de Lunar Park s'emploie encore à s'en amuser à travers l'apparition fantastique de son démon sous les traits de Terby, peluche monstrueuse, Ann Scott balance crûment les mots de la solitude et du dégoût. Elle nous murmure sans artifices que ce qui ne nous tue pas nous rend juste encore plus seuls. Mais ceux-là dressent le constat brutal de leurs années de célébrité, le "c'était donc ça" étonné de ces années folles où ils se sont vautrés et perdus.
Dans "à la folle jeunesse", Ann Scott célèbre des retrouvailles avec elle-même (et avec son père ?) à travers la réaffirmation nécessaire d'une évidence. C'est un roman subtilement construit, dans un style maitrisé, direct. C'est un roman brut et bref, "la brièveté sous laquelle gémit nécessairement une matière si féconde". Ann Scott redonne aussi à Joan Didion, sa figure tutélaire, à travers sa narration très visuelle, cinématographique de la dérive douloureuse d'un auteur mal-entouré, mal-aimé, mal-baisé. "Ce glaçon a maintenant fondu depuis ving-cinq ans, et avec lui ont disparu l'insolence et la fièvre pour céder la place à la peur". La peur qui, comme elle l'écrit, malgré son calme, sourd des yeux de la petite Omayara qui agonise. Instant de célébrité qui inéluctablement conduit à sa mort. La peur filmée en direct, la peur dont nous somme tous témoins, la peur d'une petite fille qui crève dans la boue devant le monde impuissant et fasciné. La célébrité, l'agonie et la mort en deux jours en un raccourci monstrueux.
Le roman d'Ann Scott n'est pas seulement un témoignage sur la célébrité. C'est un roman sur le mensonge et la sincérité, sur l'indifférence cruelle et les blessures de l'enfance. C'est aussi un livre plein de tendresse et d'affection. Et c'est surtout un roman bourré de promesses. Vivement le prochain !
alainlm
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le 22 sept. 2010

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alainlm

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