Une fois de plus, un très beau roman de l'écrivain anglais Thomas Hardy, et assez différent de ceux précédemment lus. Tel le balancier d'une horloge aux rouages bien huilés, le récit oscille sans cesse entre l'espoir et le désespoir, et si le romantisme de l'auteur caractérise ici encore une belle histoire d'amour, le drame n'est jamais loin, laissant le lecteur dans une délicieuse expectative jusqu'au dénouement.
"A la lumière des étoiles" ("Two in a tower") est une belle romance où la passion amoureuse dispute deux cœurs à la passion scientifique. Roman d’initiation pour Swithin, la tête d'affiche masculine, et roman de "maturation" pour Viviette, la jolie héroïne. Comme très souvent avec Hardy, on perçoit parfaitement le souffle shakespearien qui anime récit et personnages. Le hasard se mêle à propos ou à contre-courant des destinées humaines, mêlant et démêlant à l'envi les intrigues du roman.
Dans l'oeuvre de Thomas Hardy, on retrouve bien des inspirations issues de sa propre vie et de ses expériences. Astronome amateur, Hardy a acquis une connaissance suffisante de ce domaine scientifique pour se risquer à en faire le théâtre d'une passion hors du commun (pour l'époque) entre un jeune homme et une femme mariée et de dix ans son aînée. Autre sujet que l'auteur maîtrise : la femme. Cet écrivain fut en effet - et dès son plus jeune âge - séduit et séducteur à bien des reprises et il a acquis précocement un "sens de la femme" que je n'avais alors trouvé que chez Zola - autre auteur naturaliste qu'il admirait et auquel il sera d'ailleurs souvent comparé outre-Manche. Etant moi-même une femme, et connaissant quelque peu le contexte social de la fin du XIXème siècle, je m'émerveille une fois de plus de la subtilité appliquée par Hardy à son analyse de la femme, de son sentiment amoureux et de la conscience de sa destinée. Très critique vis-à-vis des convenances et des codes sociaux, il s'évertue alors à faire de ses héroïnes les victimes d'une société peu tendre avec le sexe dit "faible", plaçant chacune au centre d'une véritable toile d'araignée, engluée dans ses aspirations, chahutée dans ses sentiments, terrifiée par sa réputation, angoissée par les multiples jugements des familiers ou des inconnus, et cependant assez déterminée à faire preuve d'audace jusqu'à fouler aux pieds la bienséance.
J'ai passé un très bon moment en la compagnie de Swithin et de Viviette, même si j'aurais souvent voulu leur dicter d'autres choix que les leurs. Côté rythme, la narration est un poil en-dessous de l'impétueux "Loin de la foule déchaînée" si cher à mon cœur mais je ne me suis pas ennuyée pour autant en cours de découverte.