Dans ma quête actuelle de littérature Western, j'ai bien sûr noté en premier lieu les classiques du genre, écrits par de vénérables auteurs américains du siècle passé : McMurtry, Swarthout, Haycox, Elmore Leonard, Dorothy Johnson, etc. Mais au milieu de tous ces grands noms, j'ai également découvert celui de Dominique Scali, jeune journaliste québécoise qui avec "À la recherche de New Babylon" signe son premier roman. Et il aurait été bien dommage de passer à côté : ce roman est tombé à pic, c'est tout à fait ce qu'il me fallait lire en ce moment.
Je voulais du Western et j'en ai eu. Tout y est : duels au pistolet, villes champignons et villes fantômes, diligences, chasseurs de primes, bandits mexicains, tripots remplis de joueurs et de prostituées... seuls les Indiens brillent par leur absence, quoique leur ombre plane sur l'Ouest évoqué par Dominique Scali. Mais ce qui intéresse surtout l'auteur, ce sont ses personnages, tous très bien campés. Ils sont assurément le point fort de "À la recherche de New Babylon". Jouant avec les clichés, les codes et les archétypes du genre, Dominique Scali réussit à nous offrir un roman qui ne donne pas une impression de "déjà lu" : elle a une manière bien à elle de raconter son histoire, par le ton employé aussi bien que par la structure du récit. Le tableau d'ensemble se révèle par petites touches successives, au gré de nombreux chapitres généralement très courts, qui ont comme particularité de découper le récit en fonction du lieu et non du temps de l'action. Ainsi la narration ne cesse de faire des allers et retours entre les époques, de 1833 à 1881. S'il n'est pas aussi "extrême" que celui de Stéphane Beauverger dans son "Déchronologue", ce choix narratif pourrait néanmoins perdre en route de nombreux lecteurs... Mieux vaut donc être prévenu. Mais personnellement cela ne m'a pas dérangé, au contraire : je me rends compte que c'est la partie la plus linéaire, celle qui s'attache aux pas du couple Pearl Guthrie / Russian Bill, qui m'a le moins accroché.
Pour ce qui est de l'intrigue, celle-ci est minimaliste et finalement assez accessoire. On suit les pérégrinations à travers différentes villes de l'Ouest de personnages ayant comme point commun de poursuivre des chimères. Les grands espaces américains ne sont-ils pas des territoires nouveaux où la vie de chacun peut repartir de zéro et où tous les espoirs sont permis ? Ainsi le hors-la-loi Charles Teasdale, qui croit que ses crimes lui permettront de devenir une légende de l'Ouest ; la belle Pearl Guthrie, qui écume les tavernes des villes minières en quête de l'époux parfait ; Russian Bill, prétendu prince russe dont l'ambition est de fonder une ville dans le désert – New Babylon, qui donne son titre au roman... Mais le personnage central, autour duquel les autres gravitent, est en fait le Révérend Aaron, qui possède un pouvoir extraordinaire, celui de l'écriture. Car s'il fallait désigner un grand thème parcourant le roman, ce serait celui-ci : l'Ouest Américain est moins une réalité historique et géographique qu'un fantasme, un mythe qui naît grâce à ceux qui racontent des histoires... une idée qui fait écho au fameux "Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende" et qui montre que le Far West n'est pas si éloigné de nos sociétés actuelles, où l'important n'est pas ce que l'on est, mais ce que l'on veut montrer de soi.
"À la recherche de New Babylon" fut pour moi un très bon moment de lecture ; un roman sans doute pas voué à toucher un très large public, mais qui mérite d'être découvert.