Tout ou rien...
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Dominique Simonnot est connue par sa rubrique "Coup de barre", dans laquelle elle captait des instants de tribunaux pour le Canard enchaîné. Depuis, elle est devenue contrôleuse générale des prisons. C'est quelqu'un qui a toujours été très sensible aux déshérités, à ceux dont la réalité est occultée par le bruit ambiant.
Ici, elle retrace la manière dont elle a suivi une famille de Roms d'origine roumaine, les Lingurar. Autant que possible, elle les fait parler à la première personne. En particulier deux membres : la mère, Romina, et sa fille, en CM2, Amadora. Il y a aussi le père, Craï-Abel, et les enfants : Sarko (appelé ainsi car il fait n'importe quoi), Coco...
Exercice intéressant et salutaire car les parents sont analphabètes et Amadora, encore en primaire, a une scolarité pour le moins bousculée.
Car la famille est logée par le Samu social, à la suite d'un incendie qui a vu leur cabane brûler, les obligeant à vivre pendant plus d'un mois dans une camionette. Et on suit, avec beaucoup d'empathie, les difficultés de cette famille ainsi que ses moments de joie et d'incompréhensible optimisme.
La psychose de la mère vis-à-vis de tout ce qui est administratif, en particulier le tentaculaire système du DALO. Les galères traînant la famille d'hôtel en hôtel, compromettant le suivi de la scolarité des enfants. Les difficultés à trouver un travail. Les arnaques multiples auxquelles ces populations précaires sont exposées : arnaques aux démarches administratives, aux prothèses dentaires, etc.... Les chagrins d'Amadora lorsqu'elle doit dire au revoir à ses institutrices et ses amies après un déménagement à l'autre bout de la banlieue parisienne.
Il y a aussi la chaleur que dégage cette famille, obligée de vivre dans une ou deux pièces, et dont les membres se quittent rarement, et jamais sans de vives inquiétudes. La joie que ressent Amadora de pouvoir partir une semaine en classe de neige. Les jeux et blagues lorsque l'un d'eux est soumis à une situation particulière. La complicité avec Dominique, qui fait au fonds un travail d'assistante sociale. Les blagues sur les Roms qui mendient, les "Sivouplé". Les histoires toujours inénarrables que la famille ramène lorsqu'elle revient d'un séjour en Roumanie, dans son village natal (le chat resté dans le four, etc...).
D. S. n'esquive pas non plus la question des préjugés sur les Roms, y compris chez ses amis de gauche : les blagues sur les vols, la saleté, etc... Elle insiste sur l'absence de conscience d'eux-mêmes qu'ils ont (concernant le génocide nazi), sur un certain conservatisme (Amadora apprend des gros mots à l'école mais le cache à sa mère), voire un certain racisme (la mère se compare souvent aux femmes africaines).
On capte quelques moments où les Roms se sont trouvés au centre du débat public. Il y a le récit étonnant de la Roma pride.
Amadora est un livre très touchant, qui donne une voix aux membres actuels de la minorité rom en France, en montrant leur désir d'intégration, leurs difficultés ubuesques, le tout avec une grande tendresse. Un livre dont l'autrice peut être vraiment fière. Un livre vraiment humaniste et touchant. A faire lire aux membres de votre famille qui ont voté Zemmour (si vous leur parlez encore).
Créée
le 24 juin 2022
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