Roman-documentaire coup de poing d'une efficacité redoutable, « American Dirt » montre comment les cartels de drogue ont corrompu toute la société mexicaine (policiers, membres de l'administration, chauffeurs de bus, maîtres d'hôtel...), terrorisant la population en se livrant à des tueries d'une violence inouïe.
Le lecteur est projeté in medias res dans une terrible scène inaugurale : une femme, Lydia, se cache dans une salle de bain avec Luca, son fils de huit ans, tandis que toute sa famille, réunie pour une fête, est sauvagement assassinée par le principal cartel de narcotrafiquants d'Acapulco « Los Jardineros. » Son mari, journaliste d'investigation, a en effet publié un article sur un certain Javier, chef de ce cartel, surnommé « Lechuza » (La Chouette) et la vengeance ne se fait pas attendre...
Seule rescapée de ce massacre avec son fils Luca et dans l'impossibilité de se faire aider par qui que ce soit (la police est gangrenée par ces réseaux et lorsqu'on s'adresse à un policier, on ne sait finalement jamais s'il fait oui ou non partie du cartel), elle se voit obligée de fuir vers les États-Unis. Commence alors un long et douloureux périple de deux mois vers le Nord, sur la voie des migrants, à pied ou sur le toit du fameux train de marchandises surnommé « La Bestia » sur lequel chacun tente de grimper au péril de sa vie. Mais ont-ils le choix, ces gens qui fuient ? Rester c'est mourir, alors, autant partir, risquer le tout pour le tout pour tenter de vivre ailleurs.
« American Dirt » est un texte très cinématographique : le souci du détail dans la description et un travail de documentation que j'imagine colossal produisent un effet de réel puissant. Impossible d'oublier cette lecture: les personnages sont très attachants et l'on a vraiment l'impression de partager leur terrible quotidien, tellement tous les aspects de la migration sont abordés de façon concrète, et le suspense est tel que l'on a peine à reposer le livre.
Bref, c'est fort, haletant, inoubliable et tellement nécessaire : si ça pouvait en effet permettre à certains de comprendre ce qu'est un.e migrant.e, à savoir un être humain qui n'a pas d'autre choix que de partir (c'est une question de vie ou de mort - qui abandonnerait tout, sa famille, sa maison, son pays, pour le plaisir?) En cela, « American Dirt » est un livre d'utilité publique qui saura, je l'espère, éveiller nos consciences…
PS1 : Merci beaucoup Catherine pour ce conseil de lecture ! Ce livre m'a touchée au coeur moi aussi ! On en reparlera bientôt dès que mon cher COVID britannique aura la délicatesse de me laisser un peu respirer…
PS2 : Je vous fais grâce du récit des pires ennuis que Jeanine Cummins a eus à la sortie de ce livre pour des raisons bien fumeuses « d'appropriation culturelle ». Il y a des limites à la connerie, on les a atteintes ici me semble-t-il, inutile d'en parler davantage...
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