Karol Wojtyla, ça ne vous dit rien ? C’est le petit nom de Jean-Paul II, premier pape polonais de l’Eglise catholique. Durant son pontificat, il s’est fait connaître pour ses nombreux voyages à travers le monde, son ouverture au dialogue interreligieux, sa critique croisée du communisme et du capitalisme, et aussi sa « théologie du corps » développée au début des années 1980, en cinq ans de conférences hebdomadaires.
Amour et responsabilité est en quelque sorte la source de cet enseignement pontifical. Publié (en polonais) en 1962 par Wojtyla alors qu’il est jeune évêque, c’est loin d’être un coup d’essai. À quarante ans, l'auteur a déjà étudié les lettres, la philosophie (à la fois thomiste, par son passage à l’Angelicum, mais aussi la phénoménologie, écrivant une thèse sur Max Scheler), il a été habilité à l’université après un travail sur Max Weber, il parle polonais, latin, italien, allemand… Grâce à cela, il exprime avec précision une réflexion exigeante, positive sans être naïve. Il cherche à prendre en compte à la fois l’ordre objectif du monde (thomisme) et le mouvement, la vie intérieure et psychologique des personnes (phénoménologie).
Les qualités de l’auteur ne sont pas seulement intellectuelles. Lorsqu’il écrit cet ouvrage, il est curé de campagne depuis une décennie, durant laquelle il a fréquenté beaucoup de jeunes et a partagé avec eux leurs problèmes existentiels : vie professionnelle, amour et vie conjugale. C’est d’ailleurs à leur contact qu’il a commencé son investigation éthique sur l’amour et le mariage, dont le premier résultat est livré dans Amour et responsabilité. Dans sa préface, Wojtyla écrit :
« Loin de constituer l’exposé d’une doctrine, il présente le fruit d’une confrontation permanente entre la doctrine et la vie – ce qui est la base du travail pastoral ».
C’est bien un livre de philosophie, dans son sens le plus noble. Bien sûr, il est pétri de philosophie chrétienne, et l’auteur, religieux, convoque parfois la doctrine catholique (notamment dans le chapitre 4). Mais je suis convaincu qu’on peut tirer profit de l’analyse, des distinctions conceptuelles, sans partager la confession de l’auteur. Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à un traité de progressisme : la sexualité (hétérosexuelle) doit être vécue dans le mariage, en acceptant sa finalité naturelle (procréation)… Rien que de très catholique. L’intérêt est de trouver ici le raisonnement, la vision du monde qui sous-tendent ces préceptes de plus en plus décalés de la norme contemporaine. Mais par-delà les clichés, on sera aussi surpris de quelques recommandations tout à fait actuelles. Par exemple, p. 217 de mon édition :
Du point de vue de la personne et de l’altruisme, il faut exiger que dans l’acte sexuel l’homme ne soit pas seul à atteindre le point culminant de l’excitation sexuelle, que celui-ci se produise avec la participation de la femme et non à ses dépens.
Le problème fondamental qu’il identifie est le suivant : trouver comment élever l’amour humain (éros) qui, « sur la base de la tendance sexuelle, naît entre l’homme et la femme », jusqu’au niveau de l’amour évangélique (agapé : don gratuit, libre et total de soi à Dieu et aux autres).
Pour y répondre, il se propose en bon thomiste de partir de la réalité. Ce qui chez lui n’a pas grand-chose à voir avec le réductionnisme biologique qui rabattrait la question de la sexualité et de l’amour sur le corps, les hormones, l’instinct… Pour autant, à ces sujets Wojtyla avait fait ses devoirs : il livre en annexe de l’ouvrage vingt pages de synthèse médicale et sexologique. Mais ce n’est ni le cœur de son propos ni même son point de départ. D’un constat sur la nature humaine et la vie affective (chapitre I), il s’élève vers une analyse philosophique et psychologique des formes que peut prendre l’amour (chapitre II), pour ensuite s’intéresser aux vertus (habitudes à faire le bien) qui permettent la naissance et la préservation de l’amour (chapitre III), avant de considérer comment la sexualité et l’amour permettent la « justice envers le Créateur », en accomplissant la vocation de la personne (chapitre IV). Sans résumer tout le livre, tâche atrocement difficile vues sa densité et sa complexité (cf. cet article pour s’en faire une idée), je relève ci-dessous quelques points marquants de la pensée de K. Wojtyla.
Chapitre I. La personne et la tendance sexuelle
L’être humain, en ce qu’il est raisonnable, est une personne, et pas seulement un « individu de l’espèce ». Chez la personne humaine, « la connaissance et le désir prennent un caractère spirituel et contribuent à la formation d’une véritable vie intérieure […] qui se concentre autour du vrai et du bien »
Dans ses relations, la personne est donc à la fois sujet et objet de l’action. L’ouvrage a précisément pour but d’éclaire les principes qui permettront d’agir moralement en ce domaine, c’est-à-dire conformément au bien.
Avons-nous le droit de traiter la personne comme un moyen et de l’utiliser comme tel ? Non, ce serait une attitude utilitariste, qui fait du plaisir subjectif la norme ultime, et ce faisant traite la personne comme une chose. C’est donc un égoïsme. Même le consentement à être utilisé par l’autre et à se servir de lui en retour n’est pas de l’amour, mais la combinaison de deux égoïsmes temporairement accordés. Il n’y a là ni union, ni réciprocité, ni stabilité.
Après ces considérations sur la personne humaine et la critique de l’utilitarisme, Wojtyla s’intéresse au donné naturel qu’est la tendance sexuelle des humains. Elle est normale et bonne. Cela dit, on ne peut pas appeler amour cette cristallisation psycho-physiologique. Même s’il naît et ce développe à partir d’elle, l’amour « se forme grâce aux actes volontaires posés au niveau de la personne ». Il n’y a pas d’amour sans mobilisation de l’intelligence (chercher le vrai) et de la volonté libre (chercher le bien). La moralité sexuelle et conjugale consistera donc en une « synthèse continue et profonde de la finalité naturelle de la tendance sexuelle et de la norme personnaliste [aimer l’autre, c’est-à-dire chercher son bien et non se servir de lui] ». Ce faisant, Wojtyla dénonce le rigorisme puritain qui rejette la jouissance sexuelle pourtant bonne et naturelle, le « libidinisme » qui au contraire fait de la volupté la finalité de la tendance sexuelle, le mathusianisme qui est une forme d’utilitarisme… Et passe donc au problème de définir ce qu'est cet amour qui va venir compléter la tendance sexuelle naturelle.
Chapitre II. La personne et l’amour
Dans ce chapitre, Wojtyla se livre à une analyse brillante, foisonnante (et donc exigeante) de l’amour. Il le définit d’abord comme « un rapport mutuel de personnes, fondé à son tour sur leur attitude individuelle et commune à l’égard du bien […] l’amour est toujours attirance et bienveillance ».
▶ D’abord une analyse « métaphysique », définissant et ordonnant les éléments du concept d’amour : à la fois attrait (de l’affectivité) pour l’autre, les qualités qu’on trouve chez lui, donc concupiscence (« je te veux, car tu es un bien pour moi »), et donc aussi bienveillance :
Il ne suffit pas de désirer la personne comme un bien pour soi-même, il faut en outre – et surtout – vouloir son bien à elle […] La bienveillance, c’est le désintéressement en amour […] L’amour de l’homme et de la femme ne peut pas ne pas être un amour de concupiscence, mais il doit tendre à devenir une profonde bienveillance.
Suit une belle réflexion sur la réciprocité :
L’amour n’est pas dans la femme ni dans l’homme – car alors il y aurait, au fond, deux amours – mais il est unique, il est quelque chose qui les lie
L’amour n’est pas qu’un sentiment, c’est une réalité objective, un « nous » qui naît de l’union de deux sujets. C’est pour cela qu’une attitude où l’un profite de l’autre, où le but est la jouissance, même si cette attitude est bilatérale et mutuellement consentie, empêche la naissance de l’amour :
Elle n’est, au fond, que de l’égoïsme, alors que la réciprocité doit nécessairement supposer l’altruisme de chacun. La réciprocité véritable ne peut naître de deux égoïsmes : il ne peut en résulter qu’une illusion […] de courte durée.
Ensuite, l’auteur s’arrête aux différentes formes que peut prendre l’amour :
- sympathie (communion émotivo-affective, où la décision volontaire et le choix ne jouent pas encore leur rôle),
- amitié (philia, « je te veux du bien, comme j’en veux pour moi », où la volonté s’engage et donne une force objective que la sympathie n’avait pas),
- camaraderie (élément de communauté fondé sur des éléments objectifs : travail, domaine partagés).
L’amour sponsal diffère de toutes ces formes de l’amour : « son essence est le don de soi-même […] Se donner, c’est plus que "vouloir du bien" […] l’amour sponsal fait naître le don mutuel des personnes ». Ce don de soi passera notamment par les rapports sexuels. Il demeure indispensable que l’amour sponsal soit lié aux autres formes d’amour (notamment bienveillance et amitié), qui ne s’excluent pas mais se complètent.
▶ Ensuite, une analyse psychologique de l’amour. Notre perception (par les sens) peut s’enrichir d’émotions, dans lesquelles nous éprouvons les « valeurs » (ses traits saillants, qui interpellent notre vie intérieure) de l’objet perçu. Le contact entre hommes et femmes éveille la sensualité, c’est-à-dire l’appréciation d’autrui comme objet de concupiscence (« bon pour moi ») grâce aux valeurs sexuelles perceptibles dans son corps. Si la sensualité est une conséquence naturelle de la tendance sexuelle, donc ni bonne ni mauvaise, elle n’est pas encore l’amour.
La sensualité, en tant que réaction naturelle devant une personne de sexe opposé, est un matériau de l’amour conjugal, de l’amour sponsal. Mais elle ne remplit pas ce rôle par elle-même […] Il faut qu’elle soit insérée dans une attitude valable à l’égard de la personne.
Autre chose est l’affectivité, qui réagit à la personne dans son ensemble, et plus seulement dans son corps. Le contenu de l’affectivité diffère donc de celui de la sensualité ; il permet une attitude contemplative, et pas seulement consommatrice. L’affectivité est « pénétrée d’admiration » pour autrui. Le désir affectif n’est pas le même que le désir sensuel : il aspire à un rapprochement et une exclusivité ou intimité : « être en tête-à-tête et toujours ensemble ». Cette attraction se manifeste extérieurement par des manifestations de tendresse. La sensualité est « latente dans l’affection », ce rapprochement mutuel des êtres peut facilement glisser vers un rapprochement des corps.
L’affectivité convoque aussi mémoire et imagination, dans un processus d’idéalisation. En cela
L’affection est féconde : parce que l’homme veut et désire que diverses valeurs se trouvent dans la personne qui est l’objet de son amour, le sentiment les crée et l’en dote afin que l’engagement affectif soit d’autant plus complet.
C’est précisément à cause de cette subjectivité de l’affection que
l’amour affectif est bien souvent une cause de déception […] La dissonance entre l’idéal et la réalité éteint souvent l’amour affectif, voire le transforme en haine affective. Celle-ci, à son tour, par principe, n’aperçoit pas les qualités dont l’autre personne est réellement pourvue.
Cette analyse psychologique de l’amour dessine la grande variété de formes que celui-ci prendra, d’un individu à l’autre, selon son psychisme, son histoire et son contexte. Que ce soit un violent engagement affectif ou une concupiscence passionnée, la vie intérieure des personnes est absorbée par ce sentiment subjectif.
Toutefois, ce n’est que le versant subjectif de l’amour, constatable dans les personnes. Mais il a déjà été dit que l’amour objectif est entre les personnes. Il faut donc compléter l’analyse par un regard moral pour comprendre comment « intégrer » (unifier et conduire à sa plénitude, du latin integer, entier) l’amour, en convoquant l’intelligence et la volonté (la vérité et la liberté).
▶ Analyse morale de l’amour. D’après Wojtyla, pour que l’amour soit « intégré » (complet), il faut que soit respectée la valeur de la personne. Cela implique de s’élever de la sensualité et de l’affectivité (naturellement attirées par autrui comme objet désirable) vers l’acte d’intelligence et de volonté qui reconnaît la valeur intrinsèque de la personne en tant qu’être spirituel. En ce sens
L’amour est une vertu et pas seulement un sentiment, et d’autant moins une excitation des sens.
L’enjeu moral de l’amour est donc d’ordonner, d’équilibrer toutes les composantes de l’amour. Et notamment de faire en sorte que la composante la plus « naturelle », « instinctive » (l’excitation des sens et de l’affectivité) soit mise au service de la composante la plus spirituelle (l’amour-vertu : don libre, total et gratuit de soi-même à autrui). De cet acte de dépossession, d’abandon de soi-même, les rapports sexuels sont une expression (mais pas un fondement).
On avait dit plus tôt que l’amour est par nature réciproque (→ analyse métaphysique). Dans l’affirmation de la valeur des personnes, cette réciprocité joue aussi.
Celui qui sait accepter, sait également donner […] Seule la femme qui a conscience de sa valeur personnelle propre et de celle de l’homme à qui elle se donne est capable de se donner vraiment, et vice versa.
La vraie saveur de l’amour s’accompagne d’un sentiment de responsabilité pour la personne
responsabilité qui comprend le souci de son bien véritable, quintessence de l’altruisme et marque infaillible d’un certain élargissement de mon « moi » et de mon existence, où viennent s’ajouter un autre « moi » et une autre existence qui me sont aussi proches que les miens. Le sentiment de responsabilité qu’on assume pour une autre personne est souvent non dépourvu de souci, mais il n’est jamais désagréable en lui-même, ni douloureux […] C’est pourquoi un amour qui refuse cette responsabilité est sa propre négation, il est toujours et inévitablement égoïste. Plus le sujet se sent responsable de la personne, plus il y a en lui d’amour vrai.
Cette question est donc très liée à celle du choix. Sur quels critères choisit-on d’aimer une personne ? Aux commencements, toutes les facultés sont favorables à cette union : la sensualité et l’affectivité rendent puissamment évident le rapprochement, l’union. L’enjeu est précisément de compléter cet élan naturel en y ajoutant la stabilité de la volonté.
En effet, la vie confirme la valeur du choix correct au moment où la sensualité et l’affectivité faiblissent et où les valeurs sexuelles cessent d’agir. Il ne reste plus alors que la valeur de la personne, et la vérité interne de l’amour apparaît. S’il a été un vrai don et une véritable appartenance des personnes, non seulement il se maintiendra, mais il deviendra même plus fort et mieux ancré. Si, par contre, il n’a été qu’une synchronisation de sensualités et d’émotivités, il perdra sa raison d’être et les personnes qui y étaient engagées se retrouveront brusquement dans le vide.
Il ne faut pas pour autant croire que l’affection n’a aucune place, que l’amour-vertu est un acte froid et calculateur. En effet, grâce à la stabilité du choix, l’affection devient « calme et sûre, car elle cesse d’être absorbée par elle-même et se met à suivre son objet, la personne ». Au lieu d’idéaliser une personne, nous l’aimons telle qu’elle est vraiment. Cette différence de qualité apparaît clairement quand la personne commet une faute, quand ses faiblesses se font jour.
L’homme qui aime vraiment non seulement ne lui refuse pas alors son amour, mais au contraire, il l’aime plus encore, tout en ayant conscience de ses défauts et de ses manques, sans les approuver. Car la personne elle-même ne perd jamais sa valeur essentielle de personne.
Conclusion de cette analyse morale : aimer consiste à se donner soi-même, c’est-à-dire limiter sa liberté au profit d’autrui. Cette limitation n’est pas une mutilation, quelque chose de négatif, car « la liberté est faite pour l’amour ». En effet, a) la liberté est une propriété de la volonté, b) la volonté tend au bien, c) or c’est grâce à l’amour que la personne participe au bien.
Précisément, la volonté n’admet pas qu’on lui impose un objet comme étant un bien (pensez au mariage forcé, qui en rêve ?). C’est en choisissant librement de se donner à une personne qu’on affirme le plus fortement la valeur de cette personne. Et c’est ainsi qu’on l’aime intégralement.
L’amour n’est pas pour autant acquis une fois pour toute. Wojtyla parle de la nécessaire « éducation de l’amour » : Affirmer la valeur de la personne aimée prendra essentiellement deux directions : maîtriser les réactions ayant leur source dans la sensualité et l'affectivité (question de la chasteté et de la tempérance traitées au chapitre III), et faire un libre choix de la vocation à laquelle on consacre sa vie (se donner à son conjoint par exemple), question traitée au chapitre IV.
Chapitre III. La personne et la chasteté
Ici Wojtyla commence par décrire deux dangers qui menacent un amour authentique, objectif entre les personnes : la concupiscence charnelle et le subjectivisme du sentiment. Le premier est assez parlant : nouer une relation qui a pour but de satisfaire ses besoins sexuels, et non d’aimer une personne. Ce faisant, on se sert de la personne comme d’un objet de jouissance, ce qui porte atteinte à sa dignité et empêche un amour complet (don de soi) de croître.
Le deuxième écueil est moins évident, je m’y attarde donc davantage : il s’agit d’une hypertrophie de l’affectivité, qui entraîne une absorption de la conscience par le vécu subjectif. Autrement dit, si l’affectivité est bonne et nécessaire à l’amour, la laisser détourner notre regard de l’objet de l’action (la personne) et de l’acte même pour se perdre dans ce qui est vécu en nous est une forme d’égoïsme, moralement insatisfaisant.
Au lieu de prendre appui sur la réalité et la norme personnaliste pour agir, nous confondons l’authenticité subjective de nos sentiments avec la bonté objective de nos comportements. Cette confusion dénote d’ailleurs l’orientation du sujet vers l’hédonisme : le plaisir de vivre dans son état amoureux lui importe davantage que le bien de l’objet (la personne) qui provoque en lui ces sentiments.
Si donc la dénonciation d’un égoïsme des sens (se servir du corps de quelqu’un pour son propre plaisir sensuel) était attendue, il ne faut pas sous-estimer l’égoïsme du sentiment (se servir d’une personne pour son propre plaisir passionnel, émotif, affectif).
S’ensuit une mise au point sur les notions de péché et de vertu, sur lequel je ne m’étends pas. Précisons simplement qu’il n’est pas question de disqualifier la sensualité et l’affectivité comme « péchés ». Le péché (en hébreu ḥattath : manquer la cible) réside dans le fait de céder, librement et en connaissance de cause, à leurs débordements.
Tout l’enjeu de la vertu de chasteté est de contenir ces débordements, afin que l’amour ne soit pas envahi par l’égoïsme. Ce n’est ni de la pudibonderie, ni un refoulement de la sensualité et des élans charnels, ni une suite de négations. Au contraire, c’est « d’abord un "oui" dont ensuite résultent des "non" ». Parce que je veux aimer une personne, y compris avec ma sensualité (c’est le "oui"), il faudra que je renonce parfois à des actes incompatibles avec cet engagement initial (ce sont les "non"). Le fond du problème de la chasteté réside dans la modération, qui n’est pas une médiocrité, mais une aptitude à garder l’équilibre parmi les élans sensuels et affectifs.
De façon intéressante, ce chapitre finit en abordant la tendresse. Celle-ci « naît de la compréhension de l’état d’âme d’autrui et tend à lui communiquer combien on est proche de lui ». Or, cette proximité est acquise par suite d’un engagement affectif ; où l’on voit qu’il ne s’agit pas de vivre un amour a-sentimental, froid… Cette tendresse est d’abord un état intérieur, individuel et intime, qui peut être complètement désintéressé. Ses manifestations extérieures n’en sont pas la source, mais une expression. Notons aussi que la tendresse n’est pas la faiblesse ou la sensiblerie, elle doit se conjuguer avec la fermeté.
La tendresse est l’art de "sentir" l’homme tout entier, toute sa personne, tous les mouvements de son âme, fussent-ils les plus cachés, en pensant toujours à son bien véritable.
Chapitre IV. Justice envers le Créateur
Dans cet ultime chapitre, le propos se fait plus explicitement chrétien, dans la mesure où il renvoie les créatures que sont les humains au projet qu’à pour elles leur créateur, Dieu. Il sera donc question de vocation (étymologiquement : d’appel), soit au mariage, soit au célibat, de paternité et de maternité (biologique et spirituelle), de monogamie, de procréation et de contraception… Ces points sont très intéressants, ils découlent d’une certaine manière des trois chapitres précédents, aussi vous conseillerai-je de lire le livre in extenso si vous désirez savoir de quoi il en retourne ici. [j'avoue avoir un peu la flemme de ficher la fin, aussi O:) ]