"Anges" est le premier roman de Julie Grelley. Quelle maîtrise pour une première oeuvre! L'histoire est dure et je le dis tout de suite: âmes sensibles s'abstenir, ici peut être même plus qu'ailleurs. Colline, narratrice et personnage principal du roman, est une femme de 33 ans "pas très bien dans sa tête". C'est le moins que l'on puisse dire... Depuis gamine elle a une idée en tête: fabriquer son propre ange, pour elle, rien qu'elle. Et comment fabrique-t'on un ange? En kidnappant un jeune enfant de sexe masculin et en faire un être divin assexué. Oui, oui vous avez bien lu, il s'agit bien d'émasculer un pauvre gamin...
Lors de sa première tentative, lorsqu'elle était encore adolescente, elle n'a pas pu aller au bout de son processus. Le petit Jérémie a eu "la chance" d'être sauvé et Colline est depuis surveillée par les autorités et incomprise de sa famille. Depuis cette période, elle, jadis mini-miss et mannequin sublime promise à un grand avenir dans la profession, fait tout pour casser son image, s'enlaidir à l'extrême. Mutilations, boulimie, elle pèse aujourd'hui plus de cent kilos, a les dents jaunes, porte des cicatrices et ne ressemble plus du tout à la jeune fille d'antan.
Julie Grelley nous offre là un roman qui fait froid dans le dos. Tout d'abord parce qu'il présente une folie féminine, chose rare en littérature où l'on est plus habitué à voir des hommes déments et où les serial killers ne peuvent pas être des femmes (c'est bien connu, les femmes sont douces et bienveillantes... la preuve...). Ensuite parce que la folie nous est livrée de l'intérieur. Le lecteur côtoie cet état au plus près, connait les moindres recoins de la psyché de Colline et avance dans sa lecture au bord de la nausée.
"Anges" est cru, brutal, malsain. Sans fioritures, sans détours, avec des mots simples et des phrases courtes, Julie Grelley signe là un roman magistral dont on ne ressort pas indemne. Une putain de claque! C'est rare, ça surprend, ça retourne mais ça fait du bien!