Apollinaire
Apollinaire

livre de Pascal Pia (1954)

J’ai déjà parlé ailleurs de Pascal Pia, de son acuité critique et de son intempestivité. Je ne crois pas avoir parlé de la collection « Écrivains de toujours » pour laquelle, dans les années 1950 et 1960, des auteurs dont certains sont devenus classiques présentaient des écrivains qui l’étaient déjà (il y a par exemple un Rimbaud par Bonnefoy). Ni critique universitaire, ni biographies grand public, ces ouvrages, d’une façon relativement nouvelle pour l’époque, se caractérisaient notamment par un format de poche et par un recours constant à l’iconographie.
Ce dernier point présente un intérêt particulier dans le cas de l’auteur des Calligrammes, lequel inspira des peintres et dessinateurs contemporains autant qu’il fut inspiré par eux – et elles. C’est ainsi que dans l’ouvrage de Pia, la cinquantaine ou soixantaine d’illustrations (on trouve aussi des reproductions de brouillons et des photos) s’accompagne systématiquement d’extraits d’œuvres ou de lettres d’Apollinaire.
Tout érudit que soit Pascal Pia, son approche est affective : « Notre dessein n’étant que de reconnaître Apollinaire dans son œuvre, nous nous référerons à tous ses écrits, quels qu’ils soient, chaque fois qu’avec ou sans masque il nous aura sembler s’y épancher » (p. 7). Une telle optique, qui amène à évoquer de front vie et œuvre autant qu’à exploiter la notion de caractère, peut sembler datée, mais vaut bien celle qui consiste à expliquer la vie d’un artiste par sa vie ou son œuvre par son œuvre…
Il me semble surtout que c’est une façon de procéder tout à fait appropriée à l’œuvre d’Apollinaire, dont Pia ne tait pas la variété qualitative – oui, il ose parler de qualité littéraire ! C’est surtout à la fin de l’ouvrage que cela se manifeste le plus clairement, dans des analyses que l’auteur n’a pas pu mener dans deux premiers tiers du volume structurés par la biographie du poète : « À la réflexion, la crainte nous vient d’avoir trop insisté sur la mélancolie d’Apollinaire, de n’avoir pas accordé assez de place à sa force d’âme, à la gaieté qui parfois s’emparait de lui, et d’avoir ainsi méconnu l’équilibre de son personnage » (p. 164).
Cet Apollinaire fournit la meilleure preuve que l’intérêt qu’on porte à un artiste, quel qu’il soit, n’a pas à pâtir de la connaissance de son œuvre parfois très fine qu’on peut acquérir.

Alcofribas
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le 15 août 2019

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