La poésie chamanique du cinéma réinventant le labyrinthe de la vie.
Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/10/02/note-de-lecture-bis-archives-du-vent-pierre-cendors/
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le 2 oct. 2015
«Les lectures nous mènent au fond du monde plus loin que les voyages.»
Ce treizième livre et cinquième roman de Pierre Cendors, qui paraîtra en septembre 2015 aux éditions Le Tripode, forme une pièce maîtresse du puzzle de son œuvre, de cet univers cohérent et fascinant qui pullule de correspondances.
Inventeur d’une nouvelle forme cinématographique qui deviendra mythique, Egon Storm, cinéaste islandais visionnaire, vit retiré du monde. Depuis sa retraite, il a cédé les droits exclusifs d’exploitation de ses films à son ancien camarade d’études Karl Oska, faisant entrer son ciné-club menacé de faillite dans la légende future du cinéaste.
Dès la projection de Nebula, le premier film d’une œuvre annoncée comme une unique trilogie, le cinéma d’Egon Storm, «ovni cinématographique et prouesse technologique phénoménale», est devenu mythique.
«Artiste au sens où l’entendait la Renaissance, Storm, bientôt surnommé l’apprenti sorcier du cinéma islandais, devint ainsi le poète phare et le savant ouvrier d’une libération de l’image qui, dans la seconde moitié du XXIe siècle, bouleversa l’industrie cinématographique.»
Recevant le troisième et dernier long-métrage de cette trilogie, Oska découvre en écoutant l’enregistrement adressé par Storm l’existence inattendue d’un quatrième film, ayant pour personnage central un certain Erland Solness, énigmatique camarade de jeunesse du réalisateur.
Ainsi s’ouvre ce jeu de pistes borgésien, roman émaillé d’échos et d’indices dont l’aspect se transforme, de l’ombre à la lumière, au fur et à mesure de l’avancée du récit et du dénouement de l’intrigue.
Ayant pris contact avec Oska bien des années après, le fils d’Erland part dans un périple solitaire au bord de l’océan – confrontation avec le silence pour faire surgir ce qui est au-delà du visible, en écho au récit précédent de Pierre Cendors «L’invisible dehors» -, sur les traces de son père méconnu et du lien inexpliqué et visiblement ancien qui relie les deux hommes, Erland et Storm, suivant la piste de ce mystérieux et quatrième film.
«C’est là que je suis né une deuxième fois.
C’était en hiver, une fin d’après-midi. L’esprit vacant, je progressais à l’intérieur d’une ravine abritée de la bourrasque lorsque cela se produisit. L’océan était à portée de regard. Je ralentis, puis je m’arrêtai comme l’eût fait un cerf humant une présence dans le vent. Je ne parle pas d’un paysage, ni du ressac, ni même d’une lumière dans le ciel. Il n’y avait rien à voir. Rien de visible. Pourtant, mon regard était aussi alerte que si j’eusse eu, devant moi, le spectacle d’un incendie immobile, immense, un aperçu immatériel de l’âme du monde, la sensation puissante de ses harmoniques secrets.»
Dans ce roman où les œuvres littéraires et cinématographiques se répondent, où les niveaux de récit s’enchâssent et s’entrecroisent, l’histoire se noue comme un thriller, se penchant sur les correspondances entre imaginaire et réel, entre invention et miroir, formant un labyrinthe fascinant qui conserve sa part d’ombre même après son achèvement, comme le superbe «Lanark» d’Alasdair Gray, une quête énigmatique qui s’organise autour du silence et de l’ombre, rappelant «Le soleil» de Jean-Hubert Gailliot.
Dédiée au plus haut comme celle de Pierre Michon, l’œuvre de Pierre Cendors semble poussée par une nécessité obscure, qui permet de révéler l’intériorité, qui révèle le sens caché du «poème sauvage d’une vie», le savoir inconscient à l’intérieur d’une expérience humaine «dans l’arrière-pays de la non-pensée, quelque part sous les astres de la volonté inconsciente, parmi les puissances oraculaires et les femmes-esprits aux paupières peintes de nuit ».
«Que sont les mots, madame, sinon des réservoirs d’énergie ? Des viviers assoupis qui, à la manière de ces flaques croupissant sur le lit caillouteux d’un torrent asséché, l’été, et pour peu que vous incliniez doucement votre ombre au-dessus d’elles, soudain révèlent une vie d’inertie frémissante ?»
Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/07/30/note-de-lecture-archives-du-vent-pierre-cendors/
Et vous pourrez rencontrer Pierre Cendors pour une soirée à la librairie Charybde le 1er octobre 2015.
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Créée
le 30 juil. 2015
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