Alors que ce port méditerranéen espagnol peut générer tous les excès au quotidien comme dans les écrits ( je pense à un roman déglingué assez récent de la très médiatique Virginie Despentes entre autre), Grégoire Polet, lui, fait preuve d'une humilité stylistique très confortable. Sans renier le côté impitoyable des bas fonds de cette ville, il n'oublie pas qu'elle est quand même principalement habitée par des gens normaux qui bossent, aiment ou vivent comme tout un chacun. C'est avec une écriture simple mais précise qu'il fait vivre ses personnages au sein d'une ville en pleine métamorphose. Se battant avec une crise aussi bien financière que morale, essayant d'inventer un avenir meilleur sans renier un passé magnifique, pratiquant un régionalisme certain, nous partageons quelques mois de la vie de Bégonya, Carme ou Damian. Cela pourrait être un "Plus belle la vie" version barcelonaise, mais c'est beaucoup mieux, car au travers de dialogues incisifs, de quelques épisodes marquants ( la soirée foot ou celle du congrès de plasticiens), Grégoire Polet nous donne un instantané de notre monde actuel, n'hésitant pas à mettre sa plume dans le cambouis, ouvrant le débat autour de sujets aussi complexes que la mondialisation, le choc des pouvoirs politiques et financiers ou leur alternative plus écolo/participative. Il n'oublie pas par contre de lui donner une dimension romanesque et émotionnelle et obtient un gros roman dans lequel on aime se plonger et qui se révèle au final un tourne-page de qualité.
Sans tambour, ni trompettes médiatiques, Grégoire Polet nous propose un voyage drôlement agréable dans une ville bouillonnante, évitant avec bonheur les clichés que Barcelone traîne invariablement. Le portrait en devient ainsi, plus sensible, plus humain mais surtout plus universel. A l'heure de la mondialisation, l'humain est sensiblement le même partout, se débat avec les mêmes questionnements et "Barcelona!" en est ce printemps la plus parfaite illustration romanesque.
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