L’auteur français Ayerdhal se paye le luxe de nous proposer un thriller New-Yorkais imparable sous forme de feuilleton américain haletant. Cela démarre, faussement pépère, au rythme d’une petite vieille et son cabas rempli de gros chat puis d’un auteur en panne sèche qui déambule à la recherche d’une inspiration disparue. Banal me direz-vous… Et pourtant vous êtes déjà ferré à ce stade tant la plume est précise et vivante et tant sont précis et vivants les personnages et les lieux rencontrés. Mais très rapidement le récit s’emballe et des éléments improbables apparaissent. Cela va aller crescendo jusqu’à la dernière page qui vous laissera pantelant, le cerveau en tourbillon et les yeux pleins d’étincelles.
Car ce livre, tout bonnement inclassable, est multiple ; il opère par ouvertures et fermetures de portes insoupçonnées (houdini) à de véritables courants d’air entre les genres. Ce roman est une enquête mais également une quête, il est thriller réaliste mais fantastique débridé, il est sociologique et mythologique, introspectif et systémique, il est physique frontale et manipulation multiple. Il est aussi inhumain mais profondément humaniste. Casse gueule ? Et bien non !
Le résultat est clairement au-delà de toute attente. L’histoire, conçue et gérée de main de maître, nous propose grâce aux épisodes (il fut conçu sous forme de 12 publications électroniques avant d’être finalement imprimé) des marqueurs forts rythmant l’histoire mais aussi des variations d’univers et de tons qui participent pleinement au développement de l’intrigue. La langue est riche, précise, poétique aussi, et surfe sur la culture et les référents américains avec netteté mais sans jamais en faire trop. On imagine sans peine que l’auteur connait très bien New-York et peut-être même les quelques auteurs autochtones intervenant dans le livre (Paul Auster et sa femme sont hallucinants).
Débridé. Débridé et génial, c’est mon sentiment quelques heures après avoir refermé ce livre. L’impression d’avoir été balloté par son auteur. Violenté et cajolé même, à l’instar de ses héroïnes félines, de Xander et de toute le faune humaine de cette histoire. Bref tout ce que j’attends d’un livre : qu’il soit une porte magique vers d’autres perceptions mais aussi vers une bonne et originale histoire.
Je suis mauvais pour retrouver des citations marquantes sans y passer des jours… mais rapidement quelques courts extraits hors contexte :
« Son empathie féline est indiscutable – il sait parfaitement ce que ressent un être humain – mais il en use d’une façon qui est, elle, très discutable : il fait toujours le contraire de ce qui est espéré. »
« (…) – Enseigner à quel qu’être que ce soit à tolérer une souffrance pour subvenir à un besoin vital n’est pas de l’éducation mais du dressage. Réguler soi-même ses instincts, ça, c’est de l’apprentissage. »
« – (…) Touche-moi encore une fois et je t’égorge.
– Moi aussi, je t’aime bien, rétorque-t-il, mais ne devient pas trop familière.»
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