Très élaboré, mais ne vous faites pas spoiler.

Sur une petite île au large du Chili, un capitaine américain, Amaso Delano, voit arriver une sorte de bateau fantôme près de son phoquier. Les voiles sont crevées, la coque vermoulue, la figure de proue est bizarrement voilée. Le capitaine monte à bord de ce navire négrier espagnol, trouve un équipage restreint, des Noirs éparpillés sur le pont mais pas méchant, quoique peu disciplinés, et un capitaine d'aspect assez jeune, Benito Cereno, et qui semble en proie à une fatigue physique et nerveuse qui rend son attitude fort louche. Cereno est cependant assisté de Babo, un esclave noir de petite taille qui pallie à ses insuffisances. Il y a aussi ces quatre esclaves noirs silencieux, assis en tailleur à rémouler des hachettes ; ce grand esclave noir, Atufal, menotté.

Amaso Delano, soucieux de soulager la détresse de l'équipage, envoie sa baleinière chercher de l'eau, des vivres, quelques voiles pour aider ces malheureux. Le temps qu'elle revienne, il discute avec Cereno et quelques membres de l'équipage. Mais il ne cesse d'osciller entre la perplexité la plus extrême et le doute quant à ses propres impressions.

Je préfère ne pas déflorer le fond de l'affaire, inspirée d'un fait réel. C'est dommage, cela va restreindre ma discussion. Sachez simplement que ce livre traite de l'ambiguïté des apparences, de l'incertitude morale dans laquelle nous placent nos convictions, notre éducation, et aussi du problème de l'esclavage, mais avec une volonté de ne rien taire, quitte à mettre les pieds dans le plat.

C'est fort bien composé, et à quelques explosions d'érudition et bizarreries de vocabulaire près, on croirait lire du Joseph Conrad. Une nouvelle très efficace, qui ravira les amateurs d'histoire de marins et de manière plus générale les amateurs de la littérature XIXe qui aime réfléchir sur la narration.