… Chez Brigitte aussi, profond changement de cap avec ce roman graphique qui narre sa propre jeunesse dans les années 60 et 70. Bien que datant de la décennie suivante, la collection d’anecdotes de Brigitte aurait pu être sortie de ma propre histoire. De l’école à la maison, il n’est pas un jour qui n’imprime pas en nous la seule et unique leçon : il est meilleur, à tout point de vue, d’être un garçon. L’admonestation s’imprime dans les esprits et dans les figures tutélaires des femmes de notre gynécée collectif : la tante sacrifiée, la fille-mère, la maitresse de maison effacée jusque dans son identité profonde, dans son autonomie, dans son droit à exister autrement qu’à travers les autres. J’ai été émue et déçue à la fois de reconnaitre ma grand-mère, une cousine, une voisine, les mêmes situations, la même violence, comme si l’histoire des femmes était toujours condamnée à se répéter derrière les portes closes.
Touche après touche, Brigitte Laloupe déroule son parcours de femme, et à travers lui, l’apprentissage raté de la soumission en même temps que le profond désir d’émancipation, c’est-à-dire la naissance d’une conscience féministe.
Brigitte devient féministe se déroule comme l’album-souvenir commun à toutes les femmes, déploie pour mieux la critiquer toute la machinerie sociale de la fabrication de la femme, de la construction d’un genre en creux, mais à hauteur de petite fille, nous laissant le soin de raviver nos propres indignations.
L’intégrale de la critique