Cela commençait bien pourtant. Puis, on sent rapidement que la pensée du philosophe tourne en eau de boudin. Des poncifs répétés ad nauseam (j'ai fait une prépa littéraire, j'ai intégré l'ENS, quelle ouverture d'esprit), mixés avec une dose de pédanterie crasse dont seules les castes supérieures de notre pays ont le secret :
« Le fait est que je ne connais aucun cinéaste qui me paraisse l'égal d'un Michel-Ange, d'un Shakespeare ou d'un Beethoven. »
« Cela m'empêche pourtant de voir en von Sternberg l'égal d'un Dürer, d'un Haydn ou d'un Goethe – à quoi je doute d'ailleurs qu'il ait jamais prétendu. Bref, je ne puis me défaire d'un sentiment que le cinéma est paradoxalement un art mineur - du fait même de la multiplicité et de la puissance inégalée des techniques qu'il met en œuvre en même temps que l'art roi du XXe siècle. »
Mais je me demande, Compte Bob Spongeville, question de Béotienne à vous, chantre du bon goût : Croyez vous que Michel-Ange, quand il peinturlurait sa fresque du Jugement Dernier, recevait des critiques de ses contemporains aussi pédants que vous :
«Michel, la technicité de ta fresque là, c'est trop nouveau pour nous, trop technique, ton art se perd, reviens au bon vieux temps du silex et des peintures murales de Cro-Magnon....ÇA c'est du vrai art !»
«Botticelli, arrête avec ton huile, reviens à la bonne vieille tempura, la douzaine d'oeuf chez Auchan est en promo. L'argument imparable ? LE FAIT EST que ta technique se perd au détriment de la beautay de ton äärrt.»
« Ah vraiment, je suis pas méprisant et vraiment, cela ne reste que mon goût personnel, mais l'artisanat, la chanson française, le cinéma sont des arts mineurs par rapport à la littayratüüüre ou la paintüreeee. »
Si je pouvais inventer un golden Globes des branlosophes les plus agaçants, il y aurait : BHL, Enthoven, mais alors Peigne-zizi Spongeville perce le plafond :
"qu'on puisse mettre Truffaut ou Hitchcock (ou même Kurosawa, l'un de mes cinéastes préférés) au même niveau que Proust et Céline, cela me paraît conceptuellement tout à fait envisageable, voire soutenable : mais il se trouve que moi, subjectivement, j'en suis incapable."
Une belle phrase, grandiloquente, au ton péremptoire ("c'est mon goût d'abord, je ne m'abaisserai pas à argumenter par du factuel, épissétou.") malheureusement démontée quelques paragraphes plus loin où il considère que Cioran n'a pas son mot à dire sur la philosophie car il n'en a pas les compétences.
C'est la définition même du critique selon Guitry : c'est comme un eunuque, il sait pas mais ne peut pas.
Sur ce, je vais lire Tom tom et Nana (ben ouais, comme c'est un livre, c'est forcément mieux?) et je vais mépriser cette plèbe qui va regarder le nouveau Park Chan Wook (c'est un film, c'est forcément pourri) tout en admirant le magnifique étron d'Urs Fischer.
On me dit dans l'oreillette que Park Chan Wook, avant d'être un des plus grands cinéastes du XXIe siècle, faisait partie de la génération d'érudits et d'universitaires, étudiants en philosophie et d'esthétique. Tiens donc, les arts seraient-ils finalement poreux et communiqueraient les uns les autres ?!