La nonchalance du déraillement de la réalité dans le récit de ce roman tient du génie. Je m'explique mal cet effet d'hallucination les yeux ouverts. A vrai dire, le livre m'avait un peu ennuyé à sa lecture, puis avec le temps, l'enchaînement incompréhensible des événements du récit semblent une expérience littéraire à part entière. Tout nous tient par une sorte de somnabulisme littéraire.
Soit. Un homme se réveille les jambes couvertes d'alfala (luzerne), il cherche l'avis d'un médecin, l'infirmière lui fait des misères, on le drogue, il se réveille et erre dans l'hôpital avec des perfusions. Puis des souterrains, les berges de l'enfer (japonais, donc plus étrange, effrayant, vert de gris que flamboyant et chrétien), un ferry dans les ténèbres, une discussion avec un réalisateur américain sur les « morts accidentelles », retour dans l'hôpital, rapport avec la folie des pensionnaires, échappée belle.
Autant d'événements balayés, dérapés, glissés, éclipsés, mais cela au sein d'une description d'un supraréalisme qui balaye tout rapprochement à « La Métamorphose » Kafka, aux forfanteries d'un Breton, ou d'un fantastique moderne (genre le fantastique de Murakami H.). A rapprocher de son autre livre, très semblable (encore un méandre d'hôpital et d'enlèvement) « Rendez-vous secret », à distinguer de son célèbre « La femme des sables ».
Le "Cahier Kangourou" est la restitution des malaises et des mouvements des rêves (bizarres) vite tengents aux cauchemars comme peu ont su le faire (combien rasoirs m'ont toujours parus les récits de rêves de Leiris, Bonnefoy, et autres écrivains et poètes)
Inclassable. Voilà. Donc à lire.