Carl Larsson est généralement vu comme un gentil illustrateur de la joie de vivre à la suédoise, et l'exposition du Petit Palais de 2014 n'avait, pour le coup, pas vraiment cassé le mythe. Cette publication de la Bibliothèque de l'image, éditée dès 1994, ne met pas un coup de pied dans la fourmilière mais elle donne une image plus large de Carl Larsson que celle à laquelle on l'a trop cantonné. Bien entendu, elle a pour objectif de proposer, pour un prix modique (10€), beaucoup d’œuvres connues du grand public. Et on ne va pas bouder notre plaisir devant des aquarelles qu'on a toujours beaucoup de plaisir à voir et revoir.
Donc, on retrouve beaucoup ici nombre d'aquarelles issues du célèbre recueil Notre maison, représentant la maison des Larsson sous différentes facettes : salons, chambre des enfants, chambre de Carl Larsson, cuisine, etc. Si l'idée d'un tel recueil visait un but commercial et avait été inspirée au peintre par la mode des albums de photographies d'intérieurs en Suède, on voit vite qu'il a transcendé cet aspect des choses. Notre maison (qui n'est pas ici reproduit dans son intégralité) est bien plus qu'un modèle de décoration d'intérieur. On s'y trouve plongé dans une peinture intimiste, qui met en scène la vie de famille (parents, enfants, chat, chien y sont représentés, faisant corps avec le cadre), tout comme le monde de l'enfance. On pourrait facilement croire que de telles oeuvres étaient soit dotées d'une pure fonction décorative, soit conçues pour exalter la joie de vivre en famille. Et pourtant, à y regarder de près, on perçoit qu'il ne s'agit pas là uniquement de scènes gaies, mais d'autres plus banales, moins lumineuses, parfois tranquilles, parfois recelant un peu de tristesse, comme La punition, où l'on voit un petit garçon obligé d'attendre dans le coin d'un salon, sur une chaise, qu'on veuille bien lever la sanction infligée.
On trouvera aussi pas mal d'aquarelles du recueil Spadarfvet, sur la campagne et la vie des paysans, ainsi que d'autres œuvres indépendantes, dont les sujets sont plus surprenants, comme le modèle sur la table, représentant côte à côte une modèle de Carl Larsson nue et des mannequins sans habillage jetés l'un sur l'autre, pêle-mêle. Surtout, au-delà de le grande simplicité et de la grande lisibilité de ces aquarelles - qualité nécessaire à l'impression de reproductions de qualité, qui contribuera grandement à leur succès - on pourra remarquer que celles-ci sont impeccablement construites et réservent quelques surprises, comme ces portraits de Karen (la femme de Larsson), tableaux dans le tableau, qu'on retrouve ça et là, comme dans Le repos dominical, où Karen elle-même n'apparaît qu'à travers ses mains et son tablier sur le côté droit du tableau. Cette sorte de mis en abyme se retrouve d'ailleurs sous plusieurs formes et régulièrement.
Il est d'autant plus intéressant de lire la préface, qui, retraçant la biographie de Larsson, donne un éclairage nécessaire sur le personnage, loin de l'idée souvent aseptisée qu'on s'en fait. Cet ouvrage d'un peu moins de cent pages ne propose évidemment qu'une sélection des aquarelles de Carl Larsson, dans un grand format, et il se tient - si ce n'est qu'il ne respecte pas toujours la chronologie des œuvres. Pour 10€, on peut le qualifier de travail très honnête et bien fichu.