S'il est bien un fait historique qui ressort souvent, c'est la suprématie militaire des puissances occidentales sur le reste du monde. Et Victor Davis Hanson, antiquisant, spécialiste de la Grèce Antique, auteur du Modèle Occidental de la Guerre : la bataille d'infanterie dans la Grèce classique récidive dans son explication des facteurs liés à la suprématie militaire occidentale, cette fois-ci sur les peuples des autres régions du globe avec Carnage et Culture. Point de précision : pour l'auteur, les racines de la culture européenne sont encrées dans la Grèce et de la Rome Antiques. Il comprend donc par Occident les pays européens et les Etats-Unis d'Amérique, enfin tous les endroits où cette culture s'est propagée.
Le postulat est simple : quels ont été les facteurs de la victoire, lorsqu'il y a eut confrontation entre une entité politique occidentale et une d'un autre continent ? S'appuyant sur 9 batailles, Victor Davis Hanson tend à souligner l'impact que la culture militaire, pour ne pas dire guerrière, d'une société peut avoir sur l'issue d'un affrontement. Car dans la bataille, apparaissent en filigrane les ressorts d'une société entière, son modèle politique, économique, social... Tout ces éléments, qui semblent loin de la sphère militaire, ne lui sont pas sans liens :
En effet, comment expliquer l'essor des armes à feu, outre leur
efficacité, si ce n'est par concurrence économique ou technologique,
aboutissant à une course à l'armement ? Sauf que la pérennité du
marché européen, toute relative qu'elle ait pu être, ne trouve
surement pas d'équivalent égal ou supérieur au fin fond de l'Amérique
pré-colombienne ou des contrées sub-sahariennes.
Il en va de même pour les motivations des combattants : un hoplite
athénien, se bat pour sa cité-état, auprès de ses semblables, pour
un motif qui le touche directement, là où les combattants perses,
issu d'un empire multi-ethniques, immense et hétérogène, ne
comprennent pas forcement les raisons de leur présence sur cette
plage de Marathon, si ce n'est par crainte du roi ou contrainte.
Ainsi, prenant des exemples s'étendant de l'antiquité jusqu'à la guerre du Vietnam, Victor Davis Hanson parvient à accomplir un exercice de taille, aboutissant à un nouvel ouvrage majeur dans la nouvelle histoire bataille, aux côtés d'autres auteurs comme John Keegan.
Cependant, Carnage et Culture n'est pas sans reproches. Bien que des défaites occidentales soient aussi abordées, pour mettre en lumière les écueils des forces occidentales, comme la bataille de Cannes où Hannibal remporte la victoire mais paradoxalement, perd aussi la guerre, d'autres exemples auraient eu le mérite d'être abordés ou mentionnés. Il en va ainsi de l'échec de l'invasion italienne de l'Ethiopie lors de la première guerre italo-ethiopienne (1885-1896) qui aura des répercussions dans l'entre deux-guerres ou des difficultés franco-espagnoles lors de la Guerre du Rif (1921-1926), première guerre de décolonisation du XXe siècle, mais cela est pardonnable dans le sens où ces conflits n'ont pas véritablement fondé l'Occident (l'Europe donc) tel que l'entend Victor Davis Hanson... Enfin, il est à noter que la fin de l'ouvrage est teintée des opinions personnelles de l'auteur, appartenant à un courant néo-conservateur américain : on a presque l'impression que la guerre du Vietnam a été perdue à cause de Jane Fonda... (enfin j'abuse un peu mais vous cernez l'idée)
Quoiqu'il en soit, ce gros pavé jaune mérite d'être lu, car il n'est pas sans intérêts, bien au contraire. Très intéressant, passionnant, il reste l'un des classiques de la nouvelle histoire bataille, véritable carrefour pluri-disciplinaire. Un must-have dans toute bibliothèque consacrée à l'histoire militaire.