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Le texte :
Jules, en Guyane, appelle Marc, en métropole pour solliciter son aide contre un petit paquet de fric que Marc, précaire, ne peut refuser. Il laisse en plan femme et enfants pour trois semaines, a priori, de road trip à travers la forêt guyanaise pour aller réparer un caterpilar 2015 en rade. Avec lui, sur place, pour le seconder, Joseph, un ancien légionnaire frappadingue, le conducteur du caterpilar, et Alfonso, un local de l’étape, chasseur, discret.
Antonin Varenne laisse planer pas mal de doutes sur son récit. On ne sait tout d’abord pas vraiment quel est le rôle dévolu à chaque protagoniste dans son histoire : quels rôles jouent (ou sont sensés jouer) Marc, Alfonso et Joseph ? Que se passe-t-il réellement à la fin de l’histoire ? En dehors de coups de feu tirés, un doute plane.
Antonin Varenne n’a ici pas son pareil pour faire monter la tension de son récit à travers, en premier lieu, l’arrivée de Marc en Guyane et son trajet avec Jules jusq’aux abords du caterpilar, dans la jungle, et en second lieu les quelques jours passés en huis clos entre Marc, Joseph et Alfonso.
Marc est là pour réparer la machine et la faire repartir vers sa destination finale. Il se retrouve un peu dans un rôle d’arbitre entre Joseph, raciste haineux, égoïste et totalement dérangé, et Alfonso qui fait semblant de na pas entendre Joseph et se concentre sur la chasse et la gestion du camp.
En plus de savoir faire monter son récit en tension jusqu’à ce que la corde casse, Antonin Varenne réussit à faire du temps de la narration (quelques jours seulement), perdu au milieu de l’immensité de la jungle amazonienne, un enclos temporel, un huis clos étouffant.
La nature n’est pas ici un personnage à part entière dans le sens où elle n’a pas de volonté propre exprimée, d’actions décrites. Elle endosse chez Antonin Varenne le rôle, essentiel par ailleurs, de catalyseur : elle n’a nul besoin d’être elle-même hostile envers les hommes, les hommes se chargent eux-mêmes de provoquer l’hostilité des uns contre les autres, ils se vengent eux-mêmes entre eux… La nature leur transmet sa moiteur, son côté étouffant, sa noirceur, sa profondeur mais les trois protagonistes de l’histoire sont seuls responsables de ce qu’ils font de ce que la forêt leur laisse en héritage.
Un seul regret à la lecture de ce livre : qu’il ne soit pas plus long. Antonin Varenne l’a écrit après s’être rendu en Guyane. Il en suinte une sensation d’urgence et de besoin à écrire ce récit pour imaginer les effets de cette nature gigantesque sur les comportements humains, révélateurs, évidemment, de nos travers les plus sombres, haine, violence, énervement, plutôt que catalyseur exacerbant des comportements nobles.