Un matin de l’année 1941, alors que l’été n’a pas encore touché à sa fin, Lina et sa famille sont arrêtés aux aurores, en pyjama, dans leur maison au sein d’une petite ville de Lituanie. Le NKVD, la police secrète russe, les embarque dans des trains et des camions sous une infâme accusation, celle d’être des criminels et des prostituées. En vérité, ce sont seulement des intellectuels craints par le régime soviétique. Ils sont déportés en Sibérie. Lina, sa mère, son petit frère et quelques voisins sont intégrés à un kolkhoze où ils travaillent la terre en échange d’une petite portion de pain. Malgré la terreur semée par le NKVD, les privations et la maladie, Lina garde sa dignité et témoigne par ses dessins des terribles heures qu’elle vit. Elle rencontre Andrius, animé de la même colère qu’elle…
L’auteure met ici en lumière un pan de l’Histoire encore méconnu, celui de la déportation russe. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’URSS a envahi les Etats Baltes et la Finlande et les a annexés à son territoire. Les personnalités susceptibles de poser problèmes, et notamment les intellectuels, ont été envoyés en Sibérie où ils sont restés pour au moins une décennie de travaux forcés, sans que le reste du monde n’en sache rien. Et, comme l’explique Ruta Sepetys dans la postface, lorsque les survivants ont enfin pu rentrer chez eux, ils ont du taire leur calvaire jusqu’à la chute de l’URSS, en 1991. J’ai donc trouvé que c’était une très belle idée de faire découvrir cette déportation, moins connue que celle pratiquée par les allemands, par le biais d’un roman.
J’ai dévoré ce roman à une vitesse que je n’avais pas connue depuis longtemps ! C’est bien simple, j’avais beaucoup de mal à le reposer pour faire autre chose tant j’ai été embarquée par la destinée de Lina et de ses compagnons. Il y a dans ce livre beaucoup de souffrance, le NKVD procédant à une véritable destruction psychologique sous forme d’humiliations, de peur, de privations, d’épuisement. Et pourtant, les personnages gardent leur dignité, la seule chose que l’on ne pourra pas leur prendre. Il y a dans ce roman beaucoup de courage et une envie de vivre qui dépasse tout, y compris la colère.
Le roman est porté par des personnages très attachants, à commencer par Lina qui a un caractère de feu. Même si elle doit se taire pour éviter la mort, on sent en elle une révolte profonde, jamais elle n’a douté d’elle-même et jamais son esprit ne s’est soumis aux russes. J’ai également eu beaucoup de sympathie pour son petit frère, Jonas, âgé de 10 ans à peine, qui grandit en accéléré et devient un homme en quelques semaines à peine. J’ai également apprécié Andrius, même si j’ai eu l’impression de moins le connaître que les autres. Dès le début, il reste fort et montre la voie aux autres. Bien sûr tous les Lituaniens ne sont pas des gens bien, l’égoïste et geignard Mr Stalas le prouve. De même, tous les russes ne sont pas à mettre dans le même panier, certains sont dépassés et tentent d’aider à leur façon.
J’ai trouvé le style agréable, la traduction est fluide. Il y a dans l’écriture beaucoup d’émotion, mais aussi de la retenue, aucun apitoiement. Ruta Sepetys intègre également des références très intéressantes à l’art, et notamment aux dessins de Munch. J’ai donc passé un très bon moment et je lirai son second roman avec plaisir.
Ainsi, Ruta Sepetys a écrit un roman poignant et touchant qui met en lumière un pan méconnu de l’Histoire, celui de la déportation russe. L’histoire de Lina et de ses compagnons est très émouvante, sans apitoiement pour autant. Ce qui ressort avant tout, c’est une formidable envie de vivre, et une dignité qui illumine tout le roman. J’ai été conquise et je vous le recommande volontiers.