Les nouvelles de ce recueil sont souvent, comme le déclare un personnage, « un voyage vers la mélancolie ». Il en va ainsi de ces soldats quittant l’enfer de la guerre en Angola pour retourner à Cuba en laissant derrière eux une maîtresse ou en faisant un détour par Madrid et en retrouvant par hasard un copain d’enfance qui ravive les souvenirs d’une époque révolue. De même, ce quadra exilé à Miami nostalgique de ses années étudiantes où il écoutait, fasciné, Violeta Del Rio, « La dame triste du Boléro » avec laquelle il connut une aventure aussi brève que torride. Ou encore cette pianiste de bar constatant que ses mains courant sur l’instrument n’hypnotisent plus les hommes comme au début de sa carrière.
Il y a ceux qui rêvent de revoir Cuba et ceux qui rêvent de la quitter. Tous y sont nés et cette île les habite. Tous ont vu le temps suivre son cours et ont l’impression d’avoir raté quelque chose : « La vie de chacun est un projet unique et ça c’est con parce que si on s’est trompé, on aura jamais le temps de rectifier ce qui est déjà passé ». Les années passent et chacun se couvre de cicatrices. « Et il y en a qui ne s’effacent plus. Les souvenirs peuvent être désastreux ».
Ces nouvelles, écrites entre 1985 et 2009, brossent un portrait tout en finesse de la société cubaine d’hier et d’aujourd’hui. Elles regroupent les thèmes chers à Padura, la nostalgie, l’exil, l’art, la sexualité. On y parle d’amour, de solitude, de chagrin. On y parle d’espoirs déçus, de relations d’un soir qui marquent au fer rouge. On y boit du rhum les yeux dans le vague et les vêtements trempés de sueur. L’écriture est sensuelle ou sauvage, brûlante ou lyrique, vibrante ou poétique. C’est beau et triste, d’une sensibilité à fleur de peau. J’ai adoré, forcément, parce que ces thèmes et cette écriture me parlent et que Padura est depuis longtemps un de mes écrivains préférés. Avis aux amateurs d’excellentes nouvelles.