Cecilia
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livre de Fanny Burney (1782)

Tout lecteur fervent admirateur de Jane Austen se doit de faire un jour la connaissance de l'oeuvre de Frances Burney, la "mère littéraire" de l'auteur d'"Orgueil et Préjugés", d'"Emma", de "Persuasion", et de ses autres fabuleux romans.


Ceux de Frances Burney (1752 - 1840) ont été, c'est vérifié, la source d'inspiration la plus motivante de Jane Austen et ce n'est donc pas un hasard si cette dernière réemploiera plusieurs noms des personnages de Frances Burney pour son propre usage. Ne trouve-t-on pas ainsi dans "Evelina" (1778) - cet autre fameux roman de Frances Burney - un certain Mr Willoughby, comme il s'en trouvera un plus tard dans "Raison et Sentiments" ? Et dans "Cécilia" (1782) dont il est question ici, ne rencontrons-nous pas une jeune lady se prénommant Pemberton ? Je laisse aux aficionados le soin de faire le rapprochement qui s'impose ! Et que les lecteurs de "Northanger Abbey" se souviennent une seconde du vibrant hommage que Jane Austen rend à sa muse en la nommant dans ses lignes et en comparant Catherine Morland à ses héroïnes. Enfin, ce n'est pas un hasard si son premier roman, "Lady Susan", est un roman épistolaire, à l'instar d'"Evelina"...


Dans ses romans, Frances Burney met en scène avec une modernité de ton et une fraîcheur de narration totalement novatrices des figures de femmes dont le parcours initiatique est semé d'épreuves mais dont la fermeté de caractère et les vertus naturelles leur permettent de poursuivre leur route avec ténacité et espérance. A cet égard, la psychologie des personnages - que Jane Austen teintera plus tard de son humour si caractéristique qui constituera réellement sa signature - est très approfondie, tout comme les relations entre les classes sociales, mettant en évidence l'hypocrisie et la vanité des relations mondaines ainsi que la vacuité et la dictature des codes moraux qui orchestraient alors le moindre geste et la moindre parole, et pouvaient ainsi provoquer des conséquences dramatiques sur la plupart des existences.


"Cécilia ou les mémoires d'une héritière" aurait tout aussi bien pu être sous-titré "ou du malheur d'être née belle et riche". Orpheline et héritière d'une grande fortune et d'une belle position dans "le monde", cette jeune personne de vingt ans n'est pas encore majeure et est donc soumise au joug de trois tuteurs donc les intérêts et les positions sociales sont assez différents et pas du tout complémentaires. Écartelée par leurs jugements et leurs décisions à son égard, ainsi que par sa volonté de ne pas se laisser corrompre par son milieu qu'elle juge avec sévérité, soutenue par l'espoir d'être bientôt en position de jouir indépendamment de sa fortune pour mener à bien les actions que son coeur et son esprit lui dictent, elle est de surcroît la proie de gentilshommes dispendieux qui sous leurs manières courtoises voient d'un bon oeil la possibilité de redorer leur blason à l'éclat d'une fortune aussi dodue que la sienne. Autant dire qu'il faudra à Cécilia bien de la persévérance pour tirer son épingle de ce nid de vipères.


Ce que je tiens à préciser dans ce billet enthousiaste, c'est qu'il ne faut surtout pas aborder Frances Burney avec l'espoir d'y trouver la verve et la facétie de Jane Austen. Le rythme est certes tout aussi enlevé, les rapports entre protagonistes tout aussi savoureux mais leur narration diffère tout de même ; là où Jane Austen réalisera le prodige de mettre du piquant dans des conversations de salon à l'heure du thé, Frances Burney y développe quand à elle une analyse sociétale plus sérieuse et sensiblement plus rébarbative qui pourrait étonner et décevoir le lecteur en quête de prose austenienne. Toutefois, cet avertissement donné, je ne peux que vous encourager à lire son oeuvre (domaine public) qui annonce résolument le courant romantique du XIXème siècle.

Gwen21
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le 28 avr. 2017

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