Gilles Paris, l'auteur de l’inoubliable Autobiographie d'une courgette et de sept autres romans, dont l'excellent -peut-être mon préféré, même si Courgette bénéficie d'une tendresse particulière- Le vertige des falaises, s'adresse cette fois-ci au lecteur sous forme de récit. Le récit de ses huit dépressions en trente ans. C'est sans filtre, sans détour qu'il parle de ses descentes parfois terribles et longues, parfois plus courtes. Ses séjours en hôpital psychiatrique, ses crises, ses remontées longues et lentes. Ses amis indéfectibles, son mari Laurent, sa mère sa sœur Geneviève Paris chanteuse et son père, le plus absent nommément du livre et sans doute le plus présent, tant ses manques, ses violences ont marqué le jeune Gilles.
Gilles Paris ne s'épargne pas ni n'élude de sujet : ni sa prise de substances illicites et dangereuses, ni la violence qu'il a enfouie profondément en lui, ni ses années de fêtes, d'alcool, de cocaïne, de rencontres éphémères... Sous l'écrivain qui s'est beaucoup mis à la place d'enfants, abimés certes comme ceux que je rencontre et accompagne dans mon travail, j'étais loin d'imaginer une vie pareille -en fait, je n'imagine pas vraiment la vie des écrivains- qui éclaire différemment ses romans : le top serait que je les relise maintenant, j'y verrais sans doute d'autres choses.
Ce n'est pas un livre facile parce qu'il peut renvoyer aux pires de nos craintes, surtout en ce moment où la situation sanitaire n'inspire pas la joie, mais ce n'est pas non plus un livre déprimant. C'est le récit d'un "warrior", d'un homme qui sait s'appuyer sur ses points forts et ses proches pour remonter la pente. C'est direct, franc, ça va au plus court et touche au plus profond. D'aucuns parleront d'impudeur, moi pas. Certes, il va loin, se livre mais évite le côté voyeur. Il parle de sa vie avec Laurent, son mari, de leurs fâcheries, de leur complicité, de leur amour, mais jamais de leur intimité qui ne regarde qu'eux. Son récit quoique profond et très personnel est pudique.
A la sortie de cette lecture, je me prends à simplement souhaiter à Gilles Paris de continuer à écrire de beaux livres que j'aurai toujours plaisir à lire. Ce plaisir de lecteur, ça n'a pas de prix mais une grande valeur.