N'oubliez pas d'être de gauche, Mr Hollande !
Pour l'histoire, j'ai lu « Changer de destin » à sa sortie, comme je me suis efforcée de lire les bouquins et programmes de chaque candidat à l'élection présidentielle de mai dernier. Je suis le genre de personne qui, bien qu'encartée, se base sur les idées de tous les partis afin de fonder les siennes. Et si je dois bien avouer une chose, c'est je me suis régalée en lisant ce bouquin. Décrivant à la fois la vie et le programme de François Hollande, le candidat y réaffirme quelques principes qu'il estime essentiels à la vie républicaine, tels que l'indépendance de la justice, la nécessaire refondation du système scolaire ou la lutte contre la corruption (intéressant de préciser qu'il a tenu parole en virant Cahuzac de son gouvernement).
Loin d'être capable d'en faire une analyse politique (je ne traiterai pas vraiment du fond, chacun ses idées) je voudrais cependant montrer les aspects positifs et négatifs d'un essai du genre.
Tout d'abord, le style de Hollande (si c'est vraiment lui qui l'a écrit) est simple et compréhensible, collant à son image de « président normal », et nous permet de suivre clairement ses idées et d'en comprendre le but. L'alternance entre biographie, programme et critique de la politique sarkozyste permet de ne pas ennuyer le lecteur et de sans arrêt alimenter le discours. J'ai beaucoup pensé aux 110 propositions de Mitterrand, qui a sans doute du l'influencer lors de l'écriture, mais un côté plutôt libéral faisait son originalité : enfin quelqu'un qui ne vit pas dans le passé, et qui sait s'adapter à la société actuelle.
Ce qui est intéressant alors, est d'en faire une critique un an après sa sortie. Peut-on dire que Hollande a tenu parole, qu'il a mis en place toutes ses idées ?
Mais ce pourquoi j'ai adoré ce bouquin, c'est parce qu'il est en fait un écrit magnifiquement symbolique de la langue de bois. Si à la première lecture on est d'accord avec tout ce qu'affirme le candidat, c'est justement parce qu'aucun de ses arguments ne peut être contredit, et c'est là la brillante utilité de la langue de bois. Qui oserait dire qu'il ne veut pas l'indépendance de la justice ? Qui affirmerait que l'immigration est inutile ? Avec des idées vagues, floues, il nous donne de fausses évidences, des approximations, des assertions immobiles qui tendent à pousser le lecteur à adopter son point de vue. En fait, n'importe quel politique aurait pu signer ce bouquin. Si « François Bayrou » ou « Laurent Wauquiez » avait été inscrit sur la couverture, on n'y aurait vu que du feu.
Pourquoi ? Parce que c'est là le propre de la langue de bois. Fédérer le plus de monde possible avec des métaphores vides de sens, des informations invérifiables qui, par leur manque de précision, embrassent toutes les idées politiques.
Et puis, n'oublions pas de rappeller que si Pompidou et VGE étaient si éloignés du peuple, c'est justement parce qu'ils étaient des technocrates. D'où cette propagande de Hollande qui use du « langage du peuple » pour se rapprocher de nous par un appauvrissement sémantique qui en devient ridicule. Que personne ne nous fasse croire qu'il n'y a pas de fossé entre un énarque élu à plusieurs postes et les citoyens français.
En fait, ce bouquin est génial puisqu'il nous montre à quel point les hommes politiques se fichent de nous. Et n'importe quel autre ouvrage aurait-pu être cité, comme le « Promis j'arrête la langue de bois » de Copé. Oui c'est beau de croire en tous ces principes républicains, oui c'est cool de voter pour vous pour un renouveau économique et social français, mais quel renouveau ? Tout est flou, les arguments sont loin d'être précis, et pourraient ainsi être utilisés par n'importe quel homme politique. Mou, président de la république (non il n'y a pas de faute de frappe) nous donne ainsi une belle leçon sur la langue de bois, et on ne peut qu'adhérer à toutes les idées qu'il développe grâce à cette propagande infecte.
Pendant un temps, j'ai failli devenir socialiste.