Dans tous les sens
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Disons-le tout de suite : lire ce Charles Baudelaire. Sa vie et son œuvre – et les Baudelairiana que mon édition y joint – ne m’a pas donné envie de lire le reste de la production d’Asselineau. Il y a là quelque chose d’une rédaction du bon élève à lunettes, collégien scolaire et sans aucune imagination, qui s’est sincèrement lié d’une amitié réciproque avec celui qui a une moustache en cinquième et décroche de meilleures notes que lui sans travailler. La vie d’Asselineau eût été plus terne sans Baudelaire, mais « Charles Asselineau, sa vie, son œuvre » par Baudelaire eût été meilleur que l’inverse. Car le biographe en dit probablement plus qu’il ne le voudrait lorsqu’il écrit « Dans cette biographie d’un Esprit, je ne saurais me laisser engraver dans le sable fin de l’anecdote et du cancan. » (chap. I) : majuscule respectueuse de celui qui veut que tout le monde comprenne bien qu’elle est un signe de respect, vocabulaire cuistre amenant une métaphore douteuse – aucune des deux définitions d’« engraver » ne convenant ici – et redondance de celui qui veut toujours que tout le monde comprenne bien… Dans le même ordre d’idées, la plaidoirie imaginaire d’Asselineau au procès des Fleurs du Mal (chap. V) vaut sa lecture…
Quant à la poésie de Baudelaire en elle-même, Asselineau n’apprendra rien de nouveau sur elle à qui que ce soit : « l’intensité d’effet qu’il obtenait dans des proportions restreintes, […] son goût passionné des méthodes de composition, son amour du plan et de la construction dans les ouvrages de l’esprit, son étude constante des combinaisons et des procédés » (chap. I, p. 28) ne sont plus un secret pour quiconque s’est un minimum intéressé aux Fleurs du Mal. Non, clairement, si les textes d’Asselineau valent quelque chose, c’est en tant que témoignages de première main. Tout comme le Charles Baudelaire de Théophile Gautier (1), à ceci près que Gautier se sait le pair de Baudelaire tandis qu’Asselineau le regarde en contre-plongée – et ça se voit, ou plutôt ça se lit –, ils fixent la mythologie baudelairienne, tout en défendant la moralité de l’idole avec une sincérité certes aussi maladroite par moments que généralement touchante. Au fondement de la démarche se trouve la conviction que « Derrière l’œuvre écrite et publiée il y a toute une œuvre parlée, agie, vécue, qu’il importe de connaître, parce qu’elle explique l’autre et en contient, comme il l’eût dit lui-même, la genèse. » (p. 27). La critique a abandonné cette approche depuis pas mal de temps, elle n’en a pas moins droit de cité.
(1) Ma critique ici.
Créée
le 20 oct. 2016
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