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« L’empereur des Deux Mondes » Joseph Pérez

Voilà une biographie très solide de Charles Quint parue à l’origine en 2000 (1182 pages), un des personnages les plus puissants qui ait jamais régné. L’ouvrage est découpé en 2 parties de taille inégale : la 1ère est signée par Pierre Chaunu, un des plus grands historiens français, et s’étend de la naissance de Charles Quint dans la famille des Habsbourg jusqu’en 1556 (439 pages) et la 2ème est écrite par Michèle Escamilla, professeure à l’université de Paris-10 et spécialiste de l’Espagne des XVIe et XVIIe s (595 pages), sur les abdications de Charles Quint et son retrait dans le monastère de Yuste dans le Sud de l’Espagne jusqu’à sa mort en 1558. Les sources sont en effet très nombreuses sur la dernière partie de sa vie, ce qui explique les détails connus sur sa vie au Monastère, son entourage et sa mort (30 pages sont consacrées à sa dernière journée !). Charles Quint est un personnage fascinant qui conserve à la fin encore une part de mystère. Né à Gand en 1500 (sa langue natale était le français), il est l’héritier de plusieurs couronnes, à commencer par celle de Bourgogne, Pierre Chaunu insiste bien là-dessus, ce sont ses racines profondes. Mais il a aussi hérité de la couronne d’Espagne puisque ses grands-parents étaient les Rois Catholiques, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. Il a régné sur les Pays-Bas, une partie de l’Italie et il a même été élu en 1520 Empereur du Saint Empire Romain Germanique face à l’autre prétendant au trône, son rival de toujours, le roi de France, François 1er. C’était son autre grand-père, Maximilien de Habsbourg, qui était empereur jusqu’à sa mort. Il a donc régné sur une grande partie de l’Europe et même du monde si on ajoute l’empire américain de l’Espagne qui était en train de se construire. Aucun souverain n'a étendu sa domination sur une telle surface ! Au total, « l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Son rêve était de bâtir une Monarchie Universelle s’étendant sur toute l’Europe, pacifiée, et où les Ottomans seraient définitivement refoulés. Mais il s’est heurté dans ses ambitions à François 1er avec lequel les tensions ont été pratiquement continues, le roi de France ne lui pardonnant l’élection ratée de 1520. Gaspara Contarini, ambassadeur vénitien, a été parfaitement lucide en écrivant : « Il (Charles Quint) se défie, et se défiera toujours beaucoup du roi de France, tenant pour très certain que, chaque fois que le roi en trouvera l’occasion, il ne manquera pas de lui faire dommage et honte ». Pourtant cousins, et ayant cherché à quelques reprises un terrain d’entente, la rivalité entre eux durera 25 ans et tournera au large avantage de l’Empereur : François 1er est même fait prisonnier à la suite du désastre de Pavie en 1524 (et il n’est libéré qu’en laissant ses fils en otage !) et n’aura pas de scrupules à s’allier à Soliman le Magnifique, chef des Ottomans. Charles Quint a passé une grande partie de son règne à faire la guerre, à essayer de limiter la diffusion du protestantisme dans ses royaumes. En 1555, il décide de se retirer, usé, malade, après avoir fait de multiples traversées de l’Europe : Michèle Escamilla le surnomme à juste titre « l’empereur le plus itinérant de tous les temps ». Il choisit l’Espagne pour « s’y enterrer » comme il l’a dit, c’est l’endroit où il a passé le plus de temps durant sa vie. Même si la maladie le paralyse de plus en plus souvent (la goutte en particulier), c’est aussi une foi profonde qui l’amène à finir sa vie dans un monastère. C’est une décision très rare dans l’Histoire si on y réfléchit. Comme Fernand Braudel l’a écrit : « Quelles qu’en aient été les raisons, cette retraite volontaire est la preuve d’un détachement, d’une absence de vanité rare parmi les hommes qui ont occupé largement la scène du monde ». On le voit donc abdiquer couronne après couronne, ce qu’il avait en tête depuis de nombreuses années, ses écrits le montrent bien, il ne s’agit absolument pas d’une décision impulsive, la mort de sa femme qu’il adorait en 1539 le poussant déjà à se retirer. On raconte qu’avant de mourir, il a voulu contempler le tableau de sa femme Isabelle que Le Titien avait réalisé. Il choisit le monastère de Yuste pour y attendre la mort mais il intervient quand même à plusieurs reprises (pour donner des conseils à ses enfants…), reçoit de nombreux(ses) invité(e)s et ne se désintéresse pas du tout (au contraire) de la marche du monde. C’est à son fils Philippe qu’il laissera le trône d’Espagne et à son frère Ferdinand le Saint Empire Germanique. Il meurt en 1558, le récit de l’ouvrage est très détaillé, sans doute de la goutte, d’un diabète ancien, des maladies qu’il aurait pu soigner par une hygiène de vie bien plus stricte (il s’y est toujours refusé), et surtout la malaria qui l’a achevé. Le Comte de la Rocca évoque cette mort : « Et le jour de la vérité, qui est celui de la mort, on le pleura dans toutes les provinces d’Europe, d’Amérique et même d’Asie ». Cet empire gigantesque sur lequel il régnait se retrouve donc divisé après sa mort. Une biographie très intéressante même si les détails très pointilleux de la 2e partie peuvent ne pas forcément intéresser le néophyte.

JOE-ROBERTS
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le 27 sept. 2024

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