Style tarte pour un beau sujet.

Difficile, quand on parle d'un personnage mythifié comme le Che, de trouver la biographie idéale. En ce qui me concerne, je cherchais un équilibre entre le contexte socio-politique de l'époque, très important pour comprendre le Che, et une chronologie solide de la biographie du personnage.

Ce n'est pas vraiment ce que m'a proposé le livre d'Alain Foix. Oh, pour une première découverte de Guevarra, il n'est sans doute pas mauvais. Mais peut-être aurais-je dû prendre la biographie par Paco Ignazio Taibo en deux tomes. Elle avait l'air partisane, mais bien documentée.

Entendons-nous bien : ce livre n'est pas mauvais. Simplement, il s'intéresse à la figure du Che en y cherchant une destinée. Avec des effets littéraires assez appuyés et faciles, dont je n'ai qu'à prendre une page au hasard pour trouver un exemple.
P. 33 : "Ils vont dans la montagne, déjà la montagne, cette compagne de souffrances, d'efforts, de délices et de combats qu'Ernesto fréquentera toute sa vie".
En une phrase, on retrouve déjà trois ennemis de l'historien :
- la reconstruction rétrospective (parce que le Ché s'est souvent battu dans la montagne, peut-être faut-il remonter à l'enfance).
- la fabrication d'un sentiment de destinée : la montagne et le Ché sont inextricablement liés sous forme de destin.
- la tendance à la psychologisation.

Il y a aussi un défaut, souvent propre aux écrivains de droite, et particulièrement visible dans le chapitre sur la crise des missiles de Cuba : celui de négliger le contexte socio-économique au profit des "personnalités". Ainsi, la crise de 1962 se résume à un bras de fer psychologique entre Khrouchtchev et Kennedy, dans lequel l'habituellement rusé Fidel se retrouve à faire de la figuration, sous le regard désapprobateur du Che.

Vraiment, si j'entrais dans le détail, je prendrais des passages un peu trop lyriques et j'en ferais des commentaires sarcastiques, mais il faut que j'utilise mon énergie de manière plus positive. Et puis tant mieux si ça plaît au public et si ça popularise la figure du Che. Au fonds, au milieu de bien des écueils, il ne s'en tire pas mal, ce livre. Il est agréable à lire. Et puis bon, même quelqu'un comme Jean Lacouture n'a pas fait que des truc biens. Mais finir en spéculant sur ce qu'aurait pensé le Che d'Imagine de Lennon, franchement, c'est complètement tarte.

Ces différents écueils, on les retrouve tout au long du livre, mais n'étant pas un spécialiste de la vie du Ché, je peux simplement dire que je suis circonspect sur de nombreuses affirmations.
En termes d'annexes, le livre comporte une biographie et cite beaucoup des passages d'oeuvres ou de journaux du Che (un bon point). Un cahier central montre des photos intéressantes, mais il manque des cartes, alors que le récit détaille avec une précision louable les opérations militaires.

Le livre se décompose en quatre parties : "Le voyage initiatique", "la mue du serpent à plumes", "le sucre de la victoire" et "le dernier voyage". N'ayant pas de point de comparaison, l'histoire sud-américaine étant un point aveugle de mes connaissances, je n'entrerai pas dans une discussion chapitre par chapitre.