Prenez un jeune homme éperdument amoureux de sa belle cousine ; un oncle gentil prêt à la marier ; un pauvre homme venu d'on ne sait où, muet et misérable ; un méchant oncle qui traîne un dangereux secret derrière lui et qui n'inspire confiance à personne, voulant empêcher le mignon petit couple de se former. Ajoutez à cela des noms pittoresques et grandioses ou burlesques : Coelina, Stephany, Turguelin... Mélangez le tout avec de l'amour, des péripéties, du suspense, des larmes. Parsemez d'un happy end.
Voilà la recette du mélodrame selon Guilbert de Pixerécourt (son nom est déjà tout un roman à lui seul), ZE écrivain mélodramatique, complètement oublié (à tort ou à raison, je vous laisse en juger) de nos jours et auteur d'un Traité du mélodrame non dénué d'humour.
Pipi (pour les intimes) fait du théâtre commercial, du théâtre qui attire les foules, fait pleurer la ménagère et hypnotise. Il le sait. Il l'assume. C'est un conte de fées. Vous pouvez trouver dans ma recette ci-dessus tous les éléments des films Disney, entre la belle éplorée malchanceuse, son chevalier galant, le méchant vieillard... C'est donc pourquoi je trouve qu'il y a un peu de génie chez Pipi, qui aurait pu être l'ancêtre, que dis-je l'initiateur des programmes grand public de maintenant, faits pour séduire et puis c'est tout, sans exigence intellectuelle aucune... Si Walt Disney avait connu Pipi, mais j'en doute.
Et puis soyons honnêtes : c'est très facile, ce sont les "grosses ficelles du théâtre" avec lesquelles joue Ionesco, mais ça fait passer un bon moment. Et le mélo, bien que genre théâtral mineur, est une des influences indéniables du drame romantique de Hugo ou Musset. On doit lui reconnaître donc cette qualité. Et c'est un livre, qui plus est du XIXe, comment pourrais-je détester ?
C'est donc avec un grand sourire aux lèvres (et aussi une moue de mépris/dépit en songeant à la merde similaire qu'on nous sert maintenant un peu partout) que je vous conseille d'essayer Coelina, qui se lit en un rien de temps (je doute qu'on puisse le trouver encore représenté quelque part à l'heure actuelle...) et qui a, ma foi, quelques lointaines ressemblances avec des comédies de Momo (Molière voyons)... Par un auteur qui ne se prenait qu'à moitié au sérieux, mais qui prenait son public au sérieux, ambiguïté charmante. Si vous avez l'occasion de lire des bouts de son sublissime Traité, c'est très drôle !