C'est un livre qu'il faut déguster, patiemment, bouchée après bouchée. Pas avec les doigts. Au couteau et à la fourchette. N'hésitez pas à ramasser les miettes que vous risquez de laisser sur la table. Il serait dommage de vous priver d'un met si délicat.


Même si l'auteur construit son roman sous couvert de concerto pour piano, lorgnant plutôt sur la musique classique, c'est une musique jazzy qui risque de tinter à vos oreilles.
Dans les 300 premières pages, l'ambiance est soyeuse, smooth, cool, un peu à la manière d'Ocean's Eleven ou d'un "Hors d'atteinte" de Soderbergh.
Il y a un rythme, une certaine douceur, une fluidité, une élégance. Vous retrouverez alors tout le sel parfumé d'un bain moussant et hydratant.


C'est un roman de "casse", de braquages, que nous conte l'excellent Paul Colize. Du gangster, parfois aux mains propres, parfois à la souillure prononcée.


Le roman, suivant les chapitres, oscille d'une époque à l'autre, de la fin des années 80 à nos jours. Une sorte d'odyssée du crime. On découvre les entrailles du casse, disséqué de fort belle manière, avec un scalpel d'argent, précis. C'est tellement bien raconté que le lecteur a l'impression d'être le comparse de ces truands à haut niveau. De braver avec eux les interdits. De sentir l'adrénaline fuser à travers les pores de la peau.


Le style est fluide, léger, aérien. Avec souvent une petite pointe d'ironie. On sent tout le plaisir de l'écrivain, s'amusant comme un petit fou, à nous raconter ces jubilatoires larcins. Il y a de l'intelligence dans ce livre. Pétillante et contagieuse.


Les personnages sont sympathiques, suscitent une empathie immédiate. Colize nous croque une magnifique galerie de protagonistes et nous enthousiasme avec son avocat et son braqueur, ying et yang d'une certaine vision de la Justice ; le côté pile et le côté face d'une même pièce en définitive.


Pour l'anecdote, Paul Colize a écrit son livre avec la complicité de Francois Troukens et de Maitre Pierre Monville. Le roman gagne dès lors un cran dans le réalisme et l'authenticité.


La légende raconte que Paul Colize et François Troukens ont vraiment élaboré ensemble des scénarios de braquages parfaits tandis que ce dernier etait en prison. On peut imaginer, amusé, les deux compères échafaudant ces plans au sein du système pénitentiaire. La quintessence de l'humour belge. Humaniste, gonflée et décalée.


Sur le dernier quart du roman, l'ajout d'un personnage change la donne et l'orientation du livre. Sa musicalité se durcit, devient moins audible, moins entrainante et part dans une direction audacieuse mais nettement moins fédératrice.


Puis la fin tombe comme un couperet. Sans concession. On en aurait souhaité plus. Un sentiment de mal-être, de tristesse vous envahit. Un zeste d'amertume qui empêche de crier "Maestro" mais suffisamment goûteux pour qu'on en redemande tant ce roman a su procurer frissons et plaisir, joie et contentement.


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David_Smadja
7
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le 16 nov. 2015

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David Smadja

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