Florent et Calliste s’aiment. Ils s’aiment au point de se laisser libres, au point de ne jamais se sentir vraiment seuls dans l’obscurité. Amour élastique, amour de caoutchouc qui arrache la fin des mots, et « je t’aime » devient « je t’ai », parce que l’essentiel est là finalement : ils ont l’autre dans leur vie. Le tome 2 de cette série a fait de ces garçons des étoiles ; il aurait pu être une fin comme on n’en voit qu’au cinéma.
Mais Frédéric Bleumalt écrit après le générique, après le baiser parfait qui arrache des soupirs à ceux qui en sont témoins, parce que la Vie continue après ça, et que l’adultat est loin d’être une ligne tracée. Il y a la maladie qui ronge, les autres qui érodent, l’amour qui se fissure, et la jolie maison où l’on croyait passer le reste de sa vie tremble sur ses fondations.
Dans ce dernier opus, l’auteur se fait tisserand d’obscurité ; plus mûre, plus dure aussi, sans doute, son écriture trace pour Florent et Calliste le chemin le plus difficile à arpenter : celui qui nous mène à nous même, la personne que l’on est quand personne ne regarde. Les mots s’aiguisent, les phrases s’affûtent, les fioritures tombent, et sur les arêtes acérées d’un style qui atteint ici sa pleine maturité, ces personnages avancent en funambule, alourdis des questions qui nous hantent tous : Que vais-je devenir quand elle ne sera plus là ? C’est mal si je l’aime aussi ? Jusqu’à quel point vais-je me commettre pour eux ? Pourquoi est-ce que je ne me reconnais plus le miroir ? C’est ça, c’est vraiment ça que je voulais ?
… Et si je lâchais tout ?
Omniprésente depuis la toute première page de cette trilogie, la musique accompagnant le lecteur se débarrasse des astragales, elle redevient ce battement chamanique, ce rythme primordial, battant la mesure d’une course à l’issue inéluctable. Elle se fait bruits d’insectes et froissements de feuilles, chant intime du monde que nul instrument ne parvient plus à transcrire, et comme on s’allège de ses espoirs et de ses angoisses avec le temps qui passe, la musique suit Florent et Calliste : elle retourne à l’essentiel.


La plume de l’auteur a gagné en profondeur, elle creuse en nous-mêmes, et ce dernier tome est une mise en abîme époustouflante qui une fois encore nous questionne. Nous bouscule. Nous arrache les larmes en même temps que le sourire. Nous avons vu Calliste et Florent grandir, s’adorer, se perdre, se retrouver, s’affronter ; nous avons suivi leurs pas, espéré, souffert, aimé avec eux, et partagé cette quête commune : l’unité chérie.
Nul besoin de dire à quel point, moi qui dois tant à cet auteur, à cet homme, j’ai tourné chaque page avec l’appréhension de la fin à venir. Mais il n’y a pas de fin. Florent et Calliste continuent de vivre en moi, et c’est à ça que l’on reconnaît les grands livres : ils bâtissent un monde en vous, un monde qui survit à l’épilogue. Un monde qui me fait dire à l’auteur : tu vois, moi aussi, je t’ai…


Alors tournez la page, et plongez dans la lumière du monde, celle des petits matins face à la mer et celle de la scène, la lumière bleue d’une chambre parisienne baignée de musique et la rouge lueur des alcôves à la fragrance des peaux ardentes, plongez, dérivez sans crainte de vous perdre, et laissez les mots de Frédéric Bleumalt vous guider jusqu’au ciel.
Après tout, nous sommes tous des poussières d’étoiles…

GabrielKevlec
10
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le 23 oct. 2021

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Gabriel Kevlec

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