Je referme à l’instant Les Dames de ma Vie de Dick Sainte Cécile, et c’est avec l’érubescence aux joues que je viens vous livrer une chronique toute particulière, celle des histoires pourpres d’un homme sans histoire et de ces Dames qui l’ont révélé à lui-même.
Particulière car il s’agit tout d’abord d’un genre que je lis assez peu : des nouvelles. Un genre qui sous les apparences de la simplicité requière une précision qui confine à l’art : être capable en quelques pages seulement de camper un décor, des personnages, une tension, un émoi, est une manœuvre qui demande un doigté dont l’auteur ne manque pas, si je peux me permettre l’emploi malicieux de ce terme. Chacune des nouvelles est complètement immersive, à la fois pour elle-même et au sein de ce fil rouge tendu délicat de la première à la dernière page.
Particulière ensuite car l’auteur nous livre ici à mots choisis un amour qui m’est étranger, celui des Femmes, la joie qui l’étreint à ce qu’elles l’étreignent, le possèdent, le mènent à la baguette ou au regard. Et pourtant…
Bien que contemporaines, chaque nouvelle m’a donné l’impression singulière d’infuser dans le Paris des folles années 70, de voir souffler le vent de la liberté chérie, d’entendre rire les déniaiseuses avec la gouaille des jeunes Arletty, de m’emplir le nez des fragrances d’un Chardonnay et des vapeurs bleues d’un cigarillo sur lequel un rouge à lèvres a laissé son baiser. La liberté, c’est précisément ce que l’auteur nous conte. Liberté de mœurs et d’esprit du narrateur, liberté d’oser, d’essayer, de se libérer des entraves que sont la pudibonderie, le qu’en dira-t-on, les murs si hauts d’une orientation sexuelle que l’on croyait figée, parce que le corps réclame plus, réclame autrement, et qu’il est si doux de lui céder.
Avec une plume tout à la fois crue et délicate, Dick Sainte Cécile nous emmène de la terrasse d’un café aux sombres alcôves des clubs d’initiés, et écarte pour nous le voile sur tous ces chemins de traverse quittant le ru tranquille du quotidien. Les scènes de sexe décrites sont un bouquet de sensations, une douce fusion de tous les sens, et j’ai particulièrement apprécié la voie de la tendre soumission arpentée par le personnage, et son intérêt sincère à goûter aussi aux voluptés masculines. Bien au-delà des clichés et des rôles prédéterminés, la quête du plaisir s’impose, devient quête de soi, de toutes les facettes de soi, et le narrateur ne s’interdit rien pour y arriver. Une masculinité ouverte, curieuse, avide et parfois à genoux que j’aime à la folie. Mention spéciale pour les nouvelles Une nouvelle amie et Dimanche terrasse qui m’ont laissé avec un flot écarlate au creux des reins…
Ainsi, en refermant l’ouvrage, on repense à cette confession du narrateur expliquant qu’il a « pris conscience qu’ [il] pouvait générer des envies chez l’autre, que l’on pouvait [le] vouloir », et la réplique surgit comme une vague : oui ! Oui, j’ai envie, et oui, je te veux, et encore oui, je m’imagine fort bien à la terrasse d’un café ou sur la pointe des pieds, peinant à attraper une boîte de conserve trop haut perchée…

GabrielKevlec
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le 5 nov. 2021

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Gabriel Kevlec

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