Coulez mes larmes dit le policier , ou Flow My Tears, the Policeman Said dans sa version originale , est un roman de science-fiction américain paru en 1974 et écrit par Philip K. Dick. Si il est généralement de mise , quand vous connaissez bien le bonhomme , de considérer l'oeuvre de K.Dick dans son intégralité - de Les androïdes rêvent ils de moutons électriques à La Transmigration de Timothy Archer , en passant par au pif Brèche dans l'espace - comme une oeuvre inclassable , alors ce roman ci , Coulez mes larmes , l'est encore plus à l’intérieur même de cet ovni littéraire . A cheval entre deux "formes" de l'auteur - l'écrivain de science-fiction d'un coté et le prédicateur/prophète gnostique - , il es difficile pour moi de le classifier dans le genre de la science-fiction tant sa silhouette ne revêt ces apparats que de manière presque obligée.
Jason Taverner est une véritable déité du show-business. Animateur et chanteur d'une émission suivie par un nombre faramineux de téléspectateurs , playboy mondain , membre d'une élite restreinte d'individus biologiquement augmentés , il est en somme tout ce que vous et moi ne serons jamais. Jusqu'au soir où en se rendant chez une de ses hystériques maîtresses , celle ci lui largue à la trogne une éponge cajoleuse de Callisto qui insinuera ses ventouses dans son sang et aura pour effet de le faire tomber dans les vapes. A son réveil , Jason Taverner n'est plus Jason Taverner. En fait , il sait qui il est , il porte toujours les mêmes fringues et possède de plus une colossale somme d'argent dans l'une de ses poches sauf que son environnement a drastiquement régressé en sa défaveur. Je vous le donne en mille : ce monde ci , en tout point similaire à celui qu'il a toujours connu , semble l'avoir effacé de sa mémoire collective. De rencontres en rencontres , en un monde où le réseau téléphonique permet de connecter votre conscience à des partouzes sensationnelles et où les universités sont assiégées depuis des décennies par le gouvernement Américain , Jason va tâcher de comprendre ce qui a bien pu lui arriver.
Ce livre est un réel écartèlement , entre le wtf généralisé qui frise par instant le grotesque ( le couple Buckman ne pourra jamais à mon avis être pris un seul instant au sérieux par quel lecteur que ce soit , même si il souligne l'attachement incestueux que Dick possédait à l'égard du fantôme fantasmé de sa sœur) et les passages de pure génie frôlant - je vais dire un mot que j'aime pas concernant ce bon vieux Phil - le "visionnaire" ( le très court chapitre où les policiers se trompent de chambre et tombent sur ce couple clairement pédophile entre un homme d'âge mûr et un garçon de treize ans...Sans spoiler comme un chacal , si vous suivez les débats actuel autour du consentement , vous ne pourrez voir ici qu'une fantastique mise en garde de la part de l'écrivain quant aux dangers d'un "amour" qui n'irait que dans un sens).
Mais ce qui est époustouflant dans ce livre , qui souffre néanmoins de sa tortuosité , c'est son ineffable mélancolie. Une oeuvre comme celle ci , brisant les temporalités et les dimensions , où l'on sent que l'auteur est littéralement sorti de son corps pour accoucher d'une couleur narrative exceptionnelle , me fait me rappeler combien Phil Dick devait être...beau. Touchant. Humain. Oui , foutrement humain. Nous sommes des êtres fondamentalement inégaux , mais beau sans nous en rendre compte et il faudrait peut-être que nous vivions un jour l’expérience de Taverner pour nous en assurer une bonne fois pour toute. Pour constater aussi que nous sommes peu de choses , qui que nous soyons et que seul nos vases nous survivent.
C'est tout ce que j'ai à dire. C'est déjà pas mal...

Le-debardeur-ivre
7

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Créée

le 26 mars 2018

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