Crans-Montana, une chronique des années 60-70

Comme les garçons et les filles de mon âge connaîtrai-je
Bientôt ce qu'est l'amour
Comme les garçons et les filles de mon âge je me
Demande quand viendra le jour
Où les yeux dans ses yeux et la main dans sa main
J'aurai le cœur heureux sans peur du lendemain


Fort souvent, à la lecture de ce roman, j’ai pensé à la chanson de Françoise Hardy «Tous les garçons et les filles », à la fois pour les paroles – entre blues et espoir – et pour cette petite musique nostalgique. Les garçons dont il est question ici sortent à peine de l’adolescence et, à l’occasion de leur séjour au ski sur le plateau de Montana-Crans, vont plus se préoccuper des filles que de prouesses sportives. Il faut dire que les trois C. ont de quoi faire tourner les têtes. Chris (que seule sa mère appelait Christine), Charlie (qui se prénommait encore Charlotte) et Claudia (cheveux blonds, teint pâle, sourire enjôleur) sont deux parisiennes et une italienne qui, « en un clin d’œil, se sont métamorphosées en jeunes femmes ravissantes ».
« On les voyait « toujours ensemble, bras dessus bras dessous, ou assises nonchalamment sur une banquette, un mollet replié sous une cuisse, si différentes, et pourtant elles formaient une entité parfaite, une sorte de constellation. » La vie semblait alors se résumer, pour cette jeunesse dorée, aux pistes de ski, à la piscine, la discothèque, aux cafés ou aux magasins. On y boit du Fanta en bouteille à la paille, de l’Ovomaltine (dont on prend soin de collectionner les emballages), joue de la guitare et s’habille à la dernière mode. Il arrive même qu’on se change plusieurs fois par jour. Les jeux de l’amour, les tentatives de conquête, la rivalité et la timidité mais aussi les scandales et les provocations rythment le quotidien de ces jeunes.
L’actualité du monde tient plus du mystère ou du fait divers. Quand un habitué n’est pas au rendez-vous, lorsque l’on se rend au Credit Suisse avec des valises ou des sacs de voyage ou encore quand une jeune femme prend rendez-vous à Lausanne pour «effacer» les conséquences d’une liaison coupable.
De fait, c’est davantage l’actualité mondaine qui préoccupe la bande de copains. On croise Sheila, Lino Ventura, Alessandra Mussolini, Alain Delon, Brigitte Bardot et sa rivale Gina Lollobrigida et l’on retrouve au fil des pages l’ambiance que dépeint Jean d’Ormesson dans ses premiers romans, L’amour est un plaisir (1956) et Un amour pour rien (1960) qui «célèbrent avec une belle insolence, entre légèreté et cruauté, les jeux de l’amour d’une jeunesse qui se croit libre».
Puis le temps va passer jusqu’à un jour funeste qui mettra un terme brutal à l’histoire, révélant un lourd secret de famille.
Monica Sabolo qui est née à Milan, a grandi et fait ses études à Genève, passé ses vacances à Crans-Montana et, après d’autres pérégrinations a atterri à Paris nous livre ici une «tranche de vie» qui, pour peu que l’on gratte le vernis de l’insouciance et de la nostalgie, laisse apparaître les failles et la gravité d’une époque en pleine mutation.
Blog collection de livres

dahlem
6
Écrit par

Créée

le 7 janv. 2016

Critique lue 293 fois

2 j'aime

dahlem

Écrit par

Critique lue 293 fois

2

D'autres avis sur Crans-Montana

Crans-Montana
dahlem
6

Crans-Montana, une chronique des années 60-70

Comme les garçons et les filles de mon âge connaîtrai-je Bientôt ce qu'est l'amour Comme les garçons et les filles de mon âge je me Demande quand viendra le jour Où les yeux dans ses yeux et la...

le 7 janv. 2016

2 j'aime

Crans-Montana
Deidarakai
5

La vie des bobo suisses des sixties

Une écriture soignée, une lecture plaisante. Le lecteur est aimanté vers la fin du roman car il souhaiterait qu'enfin le mystère soit éclairci. Le mystère n'en est pas vraiment un : pourquoi cette...

le 12 janv. 2020

Du même critique

La Sonate à Bridgetower
dahlem
9

La Sonate à Bridgetower (Sonata mulattica)

À travers le portrait de George Augustus Polgreen Bridgetower, jeune violoniste métis, Emmanuel Dongala explore tout à la fois une époque, celle de la fin du XVIIIe siècle, nous entraîne vers les...

le 17 mars 2017

5 j'aime

Celle qui fuit et celle qui reste
dahlem
10

Celle qui fuit et celle qui reste… le meilleur d'Elena Ferrante

Je connais un excellent remède contre la déprime hivernale. Il a pour nom L’Amie prodigieuse et vous guérira sans aucun effet secondaire. En revanche, il faudra vous préparer à un marathon de...

le 26 janv. 2017

5 j'aime

No home
dahlem
8

No Home… deux sœurs au destin bien différent

La clé de ce roman nous est livrée avant même qu’il ne commence, par l’arbre généalogique imprimé en ouverture du livre et auquel on pourra toujours se référer si, de chapitre en chapitre, on perd le...

le 16 janv. 2017

5 j'aime