D'obsidienne et de sang par rmd
Je dois l’avouer : c’est avec une curiosité sceptique que j’ai attaqué le premier roman d’une auteure française inconnue écrivant en langue anglaise puis traduite par Eclipse, maison d’édition généralement éloignée de mes préoccupations littéraires. Mais la trajectoire d’Aliette de Bodard a de quoi intéresser : partie à Londres au cours de sa scolarité, elle a découvert la SF et la fantasy directement en anglais et a choisi logiquement d’écrire dans la langue qu’elle lisait. Elle a participé régulièrement au concours trimestriel pour écrivain amateurs Writers of the future (créé par le funeste L. Ron Hubbard, son jury contient des auteurs de premier plan comme Tim Powers). Ses textes courts ont ensuite figurés au sommaire de revues comme Asimov’s ou Interzone et ont été remarqués lors de prix comme le Nebula ou le BSFA.
Mais revenons au livre. D’obsidienne et de sang donne le ton dès sa couverture, où un prêtre aztèque se tient de dos armé d’un couteau sanglant (au passage on remerciera Eclipse qui n’hésite pas à oser de belles illustrations en dehors des livres de bit-lit et d’heroic fantasy). Car ce livre se déroule dans un univers peu usité : l’empire aztèque vers 1480, soit une quarantaine d’années avant l’arrivée des conquistadors et son effondrement. Acatl, grand prêtre des morts peu rompu au jeu politique de la cour, est informé de la disparition d’Eleuia, prêtresse de Xochiquetzal et future favorite de Xochipilli. Il est chargé de retrouver la disparue et devra user de tous ses talents contre les hommes puis contre les dieux.
Mélange d’enquête, de courses-poursuites et d’affrontements magiques, le récit est assurément original. Débutant par une intrigue policière linéaire qui permet de s’immerger de ce monde (dont le premier contact est plutôt rude, entre les noms et les expressions aztèques, mais le glossaire et la liste des personnages à la fin du livre permettent de prendre ses marques), la seconde partie, qui voit le narrateur se mêler aux histoires divines, montre une utilisation fine et puissante d’un système de magie aztèque : rencontres avec les dieux et créatures surnaturelles sont au rendez-vous et c’est naturellement que le fantastique se mêle à l’investigation.
A mi-chemin entre les enquêtes du juge Ti et une dark fantasy plus traditionnelle, D'obsidienne et de sang emmène le lecteur avec grand plaisir à la découverte d’un nouveau monde. Vivement la suite des aventures d’Acatl !