- « C’était un homme supérieur dans un monde de lâches et de brutes.
- Lui aussi c’était une brute.
- Non, tu ne l’as pas connu comme moi je l’ai connu. »
En quelques phrases, le décor est planté et l’intrigue énoncée : comment comprendre les contradictions de Prokofiev, à la fois artiste de génie et belle ordure? Comment comprendre cette cohabitation de la cruauté et la beauté de l'art ?
Bon. Le projet est sympa, le portrait de Prokofiev est drôle et piquant, envoie du lourd, le roman est très efficace, sur un mode assez théâtral, on ne s'ennuie pas. Les dialogues avec Staline, on aime, on en redemande, on savoure chaque miette de contexte.
Le fait qu'il y ait assez peu de prétention historique n'est pas gênant. L'auteur le formule assez joliment : "la vérité des faits est un soleil dont il faut se méfier".
Par contre, si on regarde le fond... beurk. Ce n'est pas du tout la déconstruction de Prokofiev annoncée. La leçon de morale finale sur l'intransigeance de l'art, la facilité avec laquelle l'auteur rachète la personnalité du compositeur par son talent "qui ne transige par et réclame une dévotion absolue", la mise en avant du héros indirecte par la faiblesse des personnages secondaires qui ne sont pas du tout assez fouillés (sa femme)... le message est vu et rerevu, et fait un peu vomir.
C'est si impossible que ça d'être génial et en même temps une personne humainement pas trop dégueulasse? Le panthéon n'est-il vraiment rempli que de belles ordures?