Un bien beau roman que ce Dark Eden.
L'action se situe sur une lointaine planète, baptisée Eden par ses habitants, et dont l'une des particularités est d'être éloigné de toute étoile d'importance et d'avoir pour seule source lumineuse celles que produisent sa faune et sa flore.
L'autre particularité de Dark Eden, c'est sa population, une tribu de quelques centaines d'individus, qui descendent tous d'un couple de Terriens ayant échoués sur la planètes quelques dizaines d'années plus tôt. Ce couple fondateur incarne donc, pour leurs descendants, le père et la mère originelle (ce qui fait sens sur une planète nommée Eden).
On s'en doute, une tribu où tout le monde a un lien de parenté plus ou moins ténu ne va pas sans quelques soucis de consanguinité et beaucoup d'individus souffrent de malformations (becs de lièvre et pieds déformés surtout).
Au fil des années écoulés, la petite communauté s'est construit ses mythes, ses coutumes, et vit dans l'attente du retour des Terriens qui doivent venir pour les ramener dans la lumière. Bien sûr, toute communication avec la Terre étant coupé, et en l'absence d'outils et objets terriens, la tribu vit dans un profond dénuement et chasse, pêche ou cueille au jour le jour de quoi se nourrir.
Voilà pour un rapide contexte. Le récit, lui, s'attarde particulièrement sur deux adolescents qui vont, chacun à leur manière, aller à l'encontre des traditions établies pas Famille (c'est le nom de la tribu), et chercher à faire évoluer les choses. Chaque chapitre est narrée à la première personne, la plupart du temps par John et Tina, les deux adolescents en question, mais pas uniquement, certains personnages s'invitant de loin en loin pour relater les évènements.
C'est donc à la mutation de cette société très figée que nous assistons en direct, sur un monde où tout est à redécouvrir et à faire puisque finalement, la tribu n'a pas quitté sa vallée originelle en plus de 150 ans.
Ces mutations s'accompagnent évidemment de tensions et de dissensions qui finissent mécaniquement par entraîner des crises.
Et tout l'intérêt du roman est là : dans cette remise en cause de la société des adultes par ses jeunes, et dans les questionnement qui accompagnent cette remise en cause. Jusqu'où peut-on et doit-on aller pour faire changer les choses ? La fin justifie-t-elle toujours les moyens ? Autant de questions que seront amenés à se poser les héros de ce roman.
Les aspects psychologiques des personnages sont très bien rendus, avec toutes leurs contradictions, leurs petites bassesses ou leurs grandes ambitions. On suit leurs (r)évolutions avec intérêt et plaisir.
La langue est quant à elle gentiment malmenée, ces "terriens d'Éden", (ces Édénites ?) ayant adapté certains termes terriens à leur sauce, notamment quand il est question des objets typiquement terrien dont ils maîtrisent à peine le concept (comme par exemple les léctricités, le klavié ou l'amère).
Le résultat est très réussi, offrant un roman fascinant, dépaysant, parfois léger, d'autres fois plus grave, mais jamais ennuyeux.