Sentant les lueurs de ses jours s'affaiblir au gré des ans, Cicéron, en sa qualité d'éminent avocat, entreprit de trouver dans cette déclinaison un certain agrément et de la défendre contre les ardents apologistes du zénith. N'est-il pas vrai qu'une ambiance tamisée rend un lieu plus chaleureux ? La baisse de la luminosité ne force-t-elle pas la vision à s'en accommoder et à s'en retrouver nettement accrue ? Quoi qu'il en soit, il faut toujours suivre le chemin de la nature. Car vieillir, nous conviendrons tous que c'est là une cruelle fatalité de la vie. Tous, vraiment ? Non ! et déjà dans l'antiquité, nous trouvâmes le parfait remède contre le vieillissement : donner la mort avant qu'il ne se produise. Ainsi, rectifions le prétendu caractère inéluctable de la sénescence en le remplaçant par la seule mort qui, elle, est véritablement inévitable. Mais pour en revenir au fond du livre, le vieillard Cicéron, âgé d'une soixantaine d'années alors, prétend combattre quatre arguments récurrents lancés contre la vieillesse.

1. La vieillesse se détourne de la société.

C'est un fait commun que d'observer un profond désintérêt des vieillards pour la société et son avenir. Il étaient des acteurs du passé, ils sont désormais des spectateurs du présent puisqu'ils savent que leur futur proche ne sera pas. Si Cicéron dénie cette indifférence en se prenant lui-même pour exemple, il n'en demeure pas moins que ses modèles grecs, eux, attestèrent ce détachement du monde par leurs préférence aux études contemplatives plutôt qu'à l'exercice de la politique.

2. La vieillesse ne sert à rien.

Quelle utilité retire-t-on d'un objet usé ? Il nous encombre, il nous gêne, il nous fait perdre du temps, en bref, nous devons nous en débarrasser. C'est une question d'ordre pragmatique, ôtée de tout sentimentalisme, que nous traitons ici. Cicéron nous assure que les défaillances physiques n'entament en rien l'intégrité intellectuelle du vieillard ; et nous rétorquons qu'avec un couteau émoussé, il nous est toujours possible de couper. Il est illusoire d'imaginer une quelconque indépendance entre le corps et l'esprit, l'altération du corps produit l'altération de l'esprit et inversement. On constate cependant dans l'œuvre cicéronienne un constant mépris du corps, autant qu'un éloge de l'esprit apanagé par la vieillesse ; si ce n'est pas une invention de sa part que de marquer cette inepte séparation, la répétition de tels lieux communs (déjà présents chez Platon) participe plus qu'il ne le fallait à son manque de crédibilité philosophique.

3. La vieillesse manque de passions.

Celui qui n'a plus de passions est mort à l'intérieur. C'est une aberration que cette voie de l'apatheia chez les stoïciens, car si la passion immaitrisée trouble la raison, elle constitue d'abord et de façon fondamentale son moteur, celui par lequel l'esprit va pouvoir emmagasiner ses savoirs, et plus systématiquement agir. Et si Cicéron se félicite de ce privilège (XII), qu'en dira-t-on sinon que sa sénilité parle pour lui-même.

4. La vieillesse craint la mort.

Bien qu'il veuille nous faire accroire que le vieillard méprise la mort (XIX), nous partageons plutôt la conviction inverse, et que c'est par une extrême lâcheté que le vieillard en vient à survivre. N'est-il pas le plus insensé des hommes, celui qui prolonge sa douloureuse chute, attendant patiemment que son fatum agisse ? La vie d'un handicapé n'est certes pas la vie d'un être humain.

Pour conclure et pour mettre en relation la différence notable entre l'antiquité et le monde contemporain, il faudra rappeler que la vieillesse ne fut le partage que de quelques privilégiés, Cicéron a-t-il beau jeu à ce titre de louer le travail agricole (cette activité lui aurait-elle permis de vivre aussi longtemps ?) ; en ce sens, ils ne représentaient pas un danger pour la société, d'autant plus qu'ils étaient exclus des affaires publiques. Mais aujourd'hui, la vieillesse est un réel fléau, surtout en France où nous sommes contraints d'assurer la survie de ces parasites, où nous sommes dirigés par d'innombrables gérontocraties, où nous vivons selon leurs lois, leurs désirs, et bien plus leurs folies.

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le 20 sept. 2022

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