[...] Si les hommes ne s’en mêlent pas, il murmura pour lui seul.

Homo homini lupus est ...
Ces lettres latines, Stéphane Jolibert en a fait son premier roman : Dedans ce sont des loups.
Si le roman est noir, le décor est blanc, canis lupus oblige : peut-être une steppe sibérienne, peut-être une bourgade du grand nord américain, un décor sans lieu ni date qui semble sorti tout droit des films de Tarentino, de Jeunet ou des frères Coen. Dans ce bled paumé, un lieu : le Terminus, qui fait office d'un peu de tout, de bar bien sûr mais surtout de bordel pour le repos des bûcherons. Un bordel tenu d'une main de fer par un mystérieux 'Grand Patron' que l'on ne connait que par le téléphone du Terminus.



[...] Tu es en train de me dire que personne ne connaît le propriétaire du Terminus ?



[...] D’après la rumeur et d’après ce que certains clients m’ont confié, il existe un endroit nommé le Terminus. Une zone franche où les malfrats condamnés de ce côté-ci s’installent pour être tranquilles. Ils y sont intouchables, s’ils restent dans les cordes.
— Quel genre de cordes ?



[...] Outre ses activités principales, débit de boissons et location de charmes, le Terminus gérait quasiment toute l’activité économique de la région. La station-service appartenait au Terminus, ainsi que le supermarché. Il possédait également les chalets l’encadrant, les machines nécessaires à la coupe et à l’acheminement du bois, et chacune des exploitations forestières sur lesquelles les hommes trimaient six jours sur sept par tous les temps. À la tête de cet étrange consortium, gérant et décisionnaire au quotidien, se trouvait le contremaître. La place était enviable, remplir ces fonctions consistait à prélever dix pour cent sur l’ensemble des recettes.



Un far-north sans foi mais avec une loi, celle de cet énigmatique Patron, une loi qui permet à tout un chacun de venir jusqu'ici faire oublier (si ce n'est oublier) un passé trop pesant.
Dedans ce sont des loups ... sans qu'on sache trop si ce dedans désigne le Terminus ou peut-être les âmes violentes des clients du lieu.



[...] — Ouais, ben t’imagine pas un seul instant qu’ils sont dedans comme dehors. Dedans, ce sont des loups.



[...] Cette phrase qu’il avait prononcée tout à l’heure : « Dedans, ce sont des loups. » Elle comprenait à présent.



Autour du Terminus, quelques fermes isolées, quelques bûcherons et une galerie de personnages, les damnés de la terre : un bootlegger cul de jatte, une trop jolie rousse, un garagiste amateur de levrette, et Nats (Natsume pour les intimes), le héros au dos boursouflé d'anciennes cicatrices qui tient le rôle de garde-putes au Terminus.



[...] L’alambic géant muni de quantité de poulies et de mécanismes étranges afin qu’un cul-de-jatte sur fauteuil roulant puisse le faire fonctionner seul.



Un affreux jojo va venir troubler la neige, réveiller un passé douloureux, bouleverser l'ordre établi par le Grand Patron.
Que la blancheur neigeuse ne vous cache pas la sombre réalité car on est là comme dans tout bon roman noir : la rencontre des personnages ici réunis, les passés trop pesants, les violences trop rentrées, les haines trop contenues, tout cela ne peut que conduire au drame ...



[...] Les morts apparaissaient à la belle saison, lorsque la neige quittait en partie les toitures. Ceux qui avaient mérité une sépulture décente avaient été emballés dans de la toile épaisse, et hissés, arrimés là, hors d’atteinte des animaux, protégés des charognards. Ainsi apprêtés, ils attendaient sous couvert de neige que la terre daigne enfin dégeler pour les recevoir.



Voilà un roman (un premier roman !) aux accents très américains et l'on se demande où le frenchy est allé tremper sa plume. Certainement pas dans ses voyages qui le menèrent en Afrique ou dans le Pacifique, des lieux où neige et loups sont tout à fait inconnus. Un mystère de plus donc.
Pour celles et ceux qui aiment les loups et la neige.

BMR
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le 18 juil. 2016

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