Là où personne ne vous entend crier...

Les productions qui se réclament du cyberpunk en exploitent peu cet aspect, et pourtant on le distinguait déjà très clairement dans Neuromancien (William Gibson ; 1984), roman fondateur du genre : comme dans la plupart des manifestations de la science-fiction, la colonisation de l'espace tient ici une place prépondérante. Au reste, et puisque le monde s'y trouve aussi à l'agonie, il paraît assez logique de se tourner vers la seule véritable issue qu'il reste ; dans ce sens, d'ailleurs, le cyberpunk se montre en fin de compte assez optimiste puisqu'en dépit de toute sa noirceur et sa violence il laisse malgré tout une voie de sortie – et même si le chemin vers celle-ci se fera dans la douleur et le sang...

Ou plus précisément dans la technique et la science, ce qui sous certains aspects revient au même. Voilà pourquoi cet ouvrage s'ouvre sur une présentation générale de l'environnement que décrit en détail cette extension de Cyberpunk 2020. Comme la plupart des suppléments de jeux de rôle sur table vous me direz, mais dans ce cas précis les données scientifiques et technologiques prennent une place inhabituellement prépondérante. Le thème veut ça, en fait : la conquête de l'espace, en effet, demeure encore un domaine à la complexité inouïe ; la liste de références utilisées par les auteurs, en fin de volume, reflète très bien ce simple fait, et nous assure d'ailleurs du sérieux avec lequel ce livre fut rédigé.

À vrai dire, Deep Space frise la vulgarisation scientifique par moments. Sa présentation des corps majeurs du système solaire assortie des divers tableaux comparatifs se montre exemplaire de sobriété et de précision à la fois, mais sans sacrifier la souplesse de jeu pour autant, ce qui n'étonne plus de la part de son éditeur. Pareillement, les descriptions des effets du milieu spatial sur les technologies en général et les cybernétiques en particulier en surprendront plus d'un parmi vous qui croient encore que « jeu » reste synonyme d'« approximatif » – beaucoup de créateurs de productions dites populaires pourraient d'ailleurs en prendre de la graine, quel que soit leur média d'expression.

La même rigueur transparaît aussi des divers véhicules, équipements, habitats, armes, etc que propose cette extension. Pour cette raison, et puisque le futur se veut ici crédible, les fans de Star Wars n'y trouveront pas leur compte. Avec son focus sur le réalisme, Deep Space décrit des moyens de transport lents qui exigent de longs et fastidieux calculs – pour les personnages bien sûr – afin de mener les équipages à bon port, et des modes de vie où la mort surgit en un instant par brusque dépressurisation ou bien au bout de longues années suite à l'exposition aux rayons cosmiques qui provoquent cancers, tumeurs et leucémies. L'espace, en réalité, n'est pas fait pour l'Homme...

Et pour ceux d'entre vous que ce portrait rebute tant il donne l'impression d'un ouvrage inutilement complexe, la courte campagne Red Conflict qui le parachève vous permettra de voir qu'il n'en est rien. En fait, cette aventure peut aussi être un moyen de rehausser une partie de Cyberpunk 2020 avec le piment d'une ambiance comparable à celle d'un film comme Outland (Peter Hyams ; 1981), voire même Alien : Le Huitième passager (Ridley Scott ; 1979), parmi d'autres exemples.

Et puis, qui sait ce que trouveront les expéditions lancées vers la ceinture d'astéroïdes et Jupiter ?

Note :

Deep Space remplace complétement et met à jour Near Orbit, le supplément précédent pour Cyberpunk 2020 qui abordait le thème de la colonisation de l'espace.
LeDinoBleu
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le 5 févr. 2012

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