Je pourrais développer dans ma critique de Des étoiles et des chiens – j’aime bien ce genre de titres – les mêmes éléments que dans 76 clochards célestes ou presque, dont il est la suite. Même panthéon de plus ou moins outsiders plus ou moins connus – Louis Armstrong et Paul Valet, Emily Dickinson et Stéphane Blanquet, Victor Hugo et Cookie Mueller. Même sur-représentation des hommes, bien qu’on trouve ici une douzaine de femmes. Même cohabitation entre des formules aussi justes que lapidaires : Israel Kamakawiwo’ole en « colibri obèse » (p. 119), Woody Guthrie comme « celui qui sauve la country à lui tout seul » (p. 88) ou « Vallès, la poésie de Melville dans le corps d’un crève-la-faim » (p. 199), et des hommages bien convenus : « Il y aurait mille chansons tristes à dessiner avec sa vie » (p. 113, à propos d’Attila Jozsef).
Même dimension initiatique de l’ensemble, sur laquelle Thomas Vinau joue volontiers : « Quand j’étais ado, je voulais être Jim Morrison. Je veux toujours être Jim Morrison. Et puis j’ai voulu être Bob Marley. Je veux toujours être Bob Marley. Je suis con, si j’avais su, j’aurais voulu être Arthur Lee. C’est un peu un mélange des deux en moins mort » (p. 127). Et en effet, filez ce bouquin et un accès illimité à Deezer et Wikipédia à n’importe quel(le) ado, ça devrait lui donner de quoi peupler ses dépressions et décrasser ses oreilles. L’équivalent des bibliothèques parentales des mieux lotis d’entre nous et de « ces compiles qu’on se faisait du temps des K7 audio » (p. 88).
Alors, pourquoi ce deuxième volume est-il moins bon que le premier ? Peut-être parce que c’est le premier, précisément. Mais à coup sûr parce qu’il sent encore davantage la mythologie de l’artiste maudit, quitte à forcer les choses – cf. Victor Hugo, cf. encore Jean Richepin, par excellence l’outsider renégat –, et que cette odeur ne me plaît pas. L’auteur a beau s’en défendre, par exemple dans sa notice sur Varlam Chalamov, il ne suffit pas d’avoir souffert et éventuellement d’être mort oublié de tous pour être un grand artiste. Le fait que l’ouvrage recense aussi bien des musiciens que des acteurs, des peintres que des écrivains, n’arrange probablement rien.
Sinon, Jacques Higelin est vivant dans le livre.

Alcofribas
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le 31 juil. 2018

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