Tout ou rien...
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Bernard Dupaigne a eu son premier contact avec l'Afghanistan en 1963, alors qu'il avait 20 ans. Ethnologue travaillant pour le musée de l'Homme, il y est retourné régulièrement, en prenant l'habit local et en parlant les langues locales. Ses voyages oscillaient entre collecte d'artefacts dans des régions reculées, à la recherche d'artisanat endémique, et missions de coopération en cheville avec l'ambassade française. Entre 1963 et 2014, il a donc vu profondément changer le pays.
Le livre mélange des excursus pédagogiques sur l'histoire de l'Afghanistan et des souvenirs personnels, au gré de randonnées à cheval, de déplacements incognito, de mondanités d'ambassade. Il y a également une carte générale et une de trois districts, ainsi qu'un cahier de photographies en couleur, dont on s'attriste qu'elles ne soient pas plus nombreuses.
Le plan est résolument chronologique, en trois parties.
De l'Afghanistan traite de la période allant jusqu'en 1997. Un important segment concerne une mission en 1983, en pleine intervention russe, au cours de laquelle B. Dupaigne sillonnait le pays les poches pleines de billet, pour financer des projets d'assistance aux populations.On y trouve énormément de notations fascinantes, à la fois sur un pays profondément arriéré, où l'on se plaint du prix des femmes qui baisse à cause de l'appauvrissement qu'a causé la guerre, et temporairement uni contre l'envahisseur russe.
Après le 11 septembre 2001 abandonne quelque peu le récit de voyage. C'est une radiographie de l'impasse dans laquelle s'est empêtrée l'armée américaine, qui vit en vase clos, alors que la population, très appauvrie par la fermeture des frontières, se tourne vers la culture du pavot et le djihadisme. Déjà on sent l'illusion que fut le projet de nation-building autour d'Hamid Karzai.
Notre guerre en Afghanistan se concentre sur les années 2011 et 2012, au cours desquelles B. Dupaigne revint dans le pays soutenir les projets d'aide à la population. C'est une charge à boulets rouges contre les fonctionnaires planqués à Kaboul, venus juste chercher la prime d'expatrié, qui mettent des bâtons dans les roues (pour justifier leur salaire ?) aux quelques personnes "de terrain", comme l'agronome Yves Faivre. De l'argent est jeté par les fenêtres dans des projets de construction d'infrastructure (commissariats, hopitaux, etc...) alors que le gouvernement afghan n'a aucunement prévu de fonds structurels pour les faire fonctionner. A contrario, les quelques projets que Faivre arrive à mener à bien en rétablissant des systèmes d'irrigation détruits par la guerre reconstruisent la société et correspondent à des poches où le djihadisme recule.
Le livre se termine sur le constat amer d'un pays coupé en deux : les Pachtouns des campagnes pallient la crise économique par un djihadisme prédateur, pire que les talibans, et les villes accueillent des populations occupées seulement à capter les miettes de l'aide humanitaire inutile des Occidentaux, dont une grande partie se perd. Un des préalables à la sortie de crise est le rétablissement du débouché des exportations via le Pakistan.
Je n'ai pas beaucoup développé alors que ce livre est très riche en notations ethnographiques, historiques, géopolitiques. Ce n'est pas un tableau complet de l'histoire du pays, dont de toute façon le nombre de coups d'Etat éphémères à Kaboul défie l'imagination. Mais dans un style impressionniste propre au carnet de voyage, c'est une mine sur les forces traversant la société afghane.
Créée
le 31 mars 2019
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