Quel étrange objet que ce God hates us all (traduit en sous-titre 'Dieu nous déteste tous'). Il faut voir le petit bandeau de papier rouge sur lequel est écrit en gros Californication pour nous persuader que nous sommes en présence d'un objet assez exceptionnel.
Car s'il ne dit rien au spécialiste de littérature américaine, God hates us all est un petit chef d'œuvre incontournable dans l'univers de Californication, série américaine diffusée sur Showtime (M6 en France). Il s'agit là d'un best-seller de Hank Moody, écrivain à la déroute depuis qu'il a quitté New York pour L.A. Ce livre a été transposé au cinéma sous le titre A crazy little thing called love, avec pour acteurs principaux 'Katie' et 'Tom', adaptation que Moody lui-même, pourtant en charge du scénario, n'hésite pas à qualifier d'étron cinématographique.
God hates us all est donc la transcription réelle d'une œuvre de fiction fictive. Troublant, non ? Cette démarche n'est pas sans rappeler le blog de Barney Stinson de How I met your mother. Car si Barney fait constamment référence à son blog en énonçant tout un tas de règles plus stupides les unes que les autres, il faut savoir qu'un blog a bel et bien été créé et plus ou moins mis à jour en fonction de l'actualité de la série. Suite à cette démarche est sorti il y a quelques temps maintenant le fameux Bro code, livre énumérant ce qui se fait ou pas entre amis, préceptes bien évidemment édictés par Barney himself. Compilation de blagues potaches, ce livre faisait plus office d'objet de culte pour les fans de la série que de véritable livre humoristique incontournable (surtout dans sa version française).
Bien que l'univers soit très différent, la démarche est donc un peu la même avec God hates us all. L'éditeur ne s'y trompe pas et joue parfaitement le jeu en désignant ce livre comme étant « un bijou d'ironie littéraire », « le roman d'apprentissage d'un génération apathique [...] encensé par la critique ».
Toutefois, ce roman est à des milles des pérégrinations du Hank Moody de la série. Il s'agit là d'un jeune Moody en plein apprentissage de la vie, d'un étudiant qui décide de déserter la fac pour mieux s'adonner à sa nouvelle profession de dealer. On se trouve donc dans un univers ou le sexe et le second degré sont bien présents, un itinéraire qu'un Bukowski ou Dan Fante n'auraient pas renié. Cependant, on ne retrouve ici en rien le Moody désabusé de L.A. Et ce n'est pas plus mal. Car en termes de littérature, God hates us all n'est pas un attrape gogo pour fans faisant office de vache à lait, mais un roman réellement travaillé et intéressant. Il est cependant évident que l'impact de cette œuvre dans la série ne saurait être transposé à la réalité, car si les chefs-d'œuvre se faisaient sur commande, ça se saurait.