« Avec le rire, les rites funéraires, l’élaboration de fictions et la gastronomie, on est tenté de faire de l’activité vénérienne motivée par le plaisir et non par la reproduction un invariant anthropologique, ou, plus précisément, une constante de l’Occident moderne » (p. 45-6) écrit Sébastien Hubier. Or, Douces Fessées, Plaisantes Caresses, comme son titre l’indique explicitement, ne parle ni de ris de veau sur son lit de morilles fraîches, ni de crémation : il y est question de sexualité, plus particulièrement de sadomasochisme.
Clairement orienté du côté des cultural studies, comme la plupart des publications des Éditions du Murmure, ce bref ouvrage – une cinquantaine de pages – sans chapitres et aux phrases quelquefois labyrinthiques a tendance à partir dans tous les sens. C’est peut-être la discipline qui l’exige. Il n’en présente pas moins des perspectives intéressantes. Parfois discutables, mais intéressantes.
Ainsi (p. 25-26), l’idée que « c’est le refus de la métapsychologie freudienne qui explique que les abolitionnistes mésestiment à la fois la complexité des démonstrations selon lesquelles l’érotisation du fantasme de viol tient à la prégnance la vie durant de la culpabilité œdipienne, le lien entre fantasme de domination et fantasme de maîtrise et la double possibilité que la fiction de l’humiliation sadique soit une transgression valorisante des codes de la courtoisie et que la dramatisation de la souillure fasse du spectacle de la corruption de l’innocence un suprême plaisir. C’est également ce rejet qui les pousse à rattacher systématiquement la désinhibition induite par la pornographie à l’imitation et jamais à la kátharsis. » Il faut certes une bonne demi-douzaine de lectures pour achever cette phrase – j’avais prévenu… –, mais elle comporte une bonne demi-douzaine d’idées !
Celle qui rapproche spectacle pornographique et catharsis – et qui me paraît particulièrement persuasive – est représentative d’une autre caractéristique de Douces Fessées, Plaisantes Caresses : un goût pour la morale, disons... peu prononcé. Qu’on partage ou non cet amoralisme – et non immoralisme –, il est cohérent. L’auteur, à la différence de certains thuriféraires de Sade, n’en fait jamais un progrès, ni un triomphe, ni un regret. Simplement, il ne tient pas compte de la morale.
C’est la condition sine qua non pour proposer des pistes de réflexion stimulantes, à l’image de celle qui ouvre cette critique, ou encore de celle selon laquelle, en littérature, « l’excitation sexuelle se double, chez celui qui lit bien et sait bien voir, du plaisir de savoir – le libertin, ce relais des regards et désirs du lecteur, étant aussi toujours un érudit et un esthète » (p. 37).