Avis incomplet

De l’Église Gallicane est la seule partie de l’ouvrage « Du Pape » disponible sur Wikisource, ce qui est dommage parce que la qualité de cette partie est tellement bonne qu’elle donne envie de lire l’ouvrage en entier. À voir si on peut se le procurer ailleurs.

« En général, l’athée est tranquille. Comme il a perdu la vie morale, il pourrit en silence et n’attaque guère l’autorité. Pour l’honneur du genre humain, l’athéisme, jusqu’à nos jours peut-être, n’a jamais été une secte. »
Cette citation reflète bien la pensée de De Maistre. S’il fait référence, ici, aux athées, il l’applique bien volontiers à l’Église Gallicane et surtout à Port-Royal, symboles de ces divisions de l’Église traditionnel et symboles de la perte d’autorité de celle-ci, ce qu’il combat farouchement.

Avant de cracher son venin sur Port-Royal, l’auteur aborde la question de l'opposition du Tiers-État à l'admission du concile de Trente. Il explique que cette opposition était surtout présente dans le Tiers-État en raison du caractère démocratique du protestantisme, carctère social séduisant l'attention de différentes parties de la société pour son côté « rejet de l’autorité ».

Pourtant, parmi les opposants, certains ont suggéré que le concile devrait être accepté sur le plan dogmatique (relatif aux doctrines de l'Église), mais pas sur le plan de la discipline (les règles et les pratiques de l'Église). Cela a entraîné une division au sein de l'Église gallicane et a créé une marque de désunion.

De Maistre pointe du doigt les véritables auteurs de cette situation, qui, selon lui, sont des juristes séculiers ou libertins.
Ces juristes, tout en revendiquant haut et fort les libertés, ont également porté atteinte à ces libertés en poussant les droits du roi et des juges laïques au-delà des limites raisonnables. Leurs actions ont contribué à empêcher la réception du concile de Trente en France et ont suscité la désapprobation du clergé français. C’est cette constante recherche de la modernité pour la modernité qui m’irrite aussi. On s’oppose à l’autorité traditionnelle parce que le libéralisme couvre l’autorité de boue, donc on change pour changer et on créé toujours plus de sectes, des pédoncules de l’autorité qui génèrent d’autres pédoncules. Je préfère le végétal originel.

De Maistre critique aussi les procédures des parlements de France, les cours de justice de l'époque. Il les décrit comme étrangères et précipitées, soulignant que lorsqu'il s'agit des droits du roi, les parlements agissent davantage comme des avocats plutôt que comme des juges impartiaux. Il reprend ce qu’il avec brillament exposé dans ses Considérations, à savoir que le roi ne doit pas être au-dessus de la justice. De plus, il affirme que les parlements négligent la justice et ne font pas semblant d'en tenir compte, en montrant une face au roi et une autre à l'Église, hypocrisie humaine qu’il impute aux dérives révolutionnaires.

Puis vient le torrent de haine envers Port-Royal. Il les traite de traducteurs ou des copistes, ayant réussi à apparaître comme des auteurs originaux et les faisant jouir d’une renommée non due.

Pascal en prend aussi pour son grade, bien qu’on sente le respect de De Maistre envers le génie et le chrétien qu’il fut. J’ai bien aimé quand il dit que Port Royal n’a rien façonné chez Pascal, et que c’est l’institution qui doit sa célébrité et son poids à Blaise.

J’ai aussi appris que Pascal a plus ou moins volé l’idée du baromètre à un certain Evangelista Torricelli.

De Maistre ne lâche pas Port-Royal, et c’est un plaisir de le voir se défouler avec style et maîtrise, bien qu’on puisse le trouver un peu insistant.

Un pamphlet comme on les aime, morceau d’une œuvre qui me tarde de lire en entier. J’y retrouve tout ce qui me fait vibrer : rejet de la démocratie, rejet de la modernité, importance de la tradition, attaques avec style. Merci Joseph.

En bonus, trois citations qui m’ont frappé.

« Que signifie un acte volontaire de la volonté ? Cette tautologie parfaite vient de ce qu'on n'a pas voulu comprendre ou avouer que la liberté n'est et ne peut être que la volonté non empêchée. »

« On voit ici le mot de persécute employé dans un sens tout particulier a notre siecle. Selon le style ancien, c'est la vérit qui était persécutée ; aujourd'hui c'est l'erreur ou le crime. Les décrets des rois d France contre les calvinistes ou leurs cousins, sont des persécutions, comme le décrets des empereurs paiens contre les chrétiens , bientôt, s'il plaît a Dieu, on nous dira que les tribunaux persécutent les assassins. »

« En général, un trop grand nombre d'hommes, en France, ont l'habitude de faire, de certains personnages célèbres, une sorte d'apothéose après laquelle ils ne savent plus entendre raison sur ces divinités de leur façon. »