On se sort jamais totalement indemne d'une lecture portant sur la Seconde Guerre mondiale, qu'il s'agisse d'une oeuvre fictive ou documentaire. La proximité de ce conflit avec notre histoire personnelle, avec celle de nos grands-parents et avec celle de nos concitoyens européens ainsi que la "mission" d'extermination raciale dont il s'est doublé en font l'une des périodes les plus noires et les plus traumatisantes de l'Humanité, semblant nous condamner à la quête d'une éternelle rémission inaccessible et à oublier que ce conflit fut, au final, aussi sanglant et barbare que toutes les guerres depuis la nuit des temps. Quels que soient les buts, les enjeux, les armes, les expédients, les victimes, le résultat est toujours le même : torturer et tuer ; l'horreur, l'injustice et la souffrance.
En commençant ce roman qui traînait depuis plusieurs années à la base de ma PAL, j'ai immédiatement compris que je ne pourrais pas apprécier sa lecture si je choisissais pour l'aborder le même état d'esprit qu'à la lecture de "La mort est mon métier" de Robert Merle ou la même posture intellectuelle qu'à la lecture des "Bienveillantes" de Jonathan Littell. Non, pour apprécier cette lecture et respecter le double travail documentaire et d'écriture de Madge Swindells, je devais aborder "Edelweiss" comme s'entreprend la lecture d''Holocauste" de Gerald Green. Une fois ce constat posé, j'ai pu me plonger dans les 800 pages de ce récit retraçant la destinée d'une poignée de protagonistes entre 1937 et 1945 qui, de Londres à Prague et de la Sibérie à Berlin, ont traversé le conflit en souffrant comme tous leurs compatriotes tout en résistant comme beaucoup d'entre eux.
Il ne s'agit donc pas ici de grande littérature mais ce roman se défend bien malgré tout grâce à une écriture efficace et une trame chronologique stimulante. Edelweiss est le nom d'un groupuscule étudiant allemand qui a œuvré à ses risques et périls pour saper l'ascension du nazisme en Allemagne et en Autriche et si les personnages principaux sont fictifs, leurs actes reflètent sans nul doute ceux de vrais héros civils qui se sont insurgés contre le gouvernement, guidés par une irréductible prescience des événements. Ce roman offre donc l'avantage de placer le lecteur aux côtés de résistants tchèques et autrichiens.
Le roman recèle un concentré de tout ce qui caractérise la période : montée de la haine raciale, idéal aryen, scènes d'arrestations, de tortures, de déportations, de batailles militaires, de résistance active, d'espionnage et de contre-espionnage, de stratégie, de diplomatie, de risques audacieux et insensés, de désespoir, de folie et enfin de mort.
J'ai moins ressenti d'empathie pour les personnages principaux que pour leur destinée, comprendre que leurs sentiments m'ont moins affectée que leurs engagements et leurs choix. Je pourrais être tentée de reprocher le manichéisme dont se teintent certaines situations mais cela est impossible tant la période se prête plus que tout autre à un manichéisme tristement réel et abouti.