Erectus, de Xavier Müller, devrait se trouver sous bien des sapins. A l’heure où, au cœur des bourrasques, la tradition d’une magie de Noël chante ‘Paix aux hommes de bonne volonté’, comme il devrait être reposant de se plonger dans un bouquin de Science-Fiction, bien écrit et capable de nous distraire quelque peu de ces réalités conflictuelles teintées de gilets jaunes, de Brexit, de politiques politiciennes ou de moralité climatique. C’est sans compter sur le fait que Xavier Müller va nous exposer à une mutation génétique, engendrée par le virus de Krüger. Là, il a de quoi nous faire peur, nous fasciner, nous emmener loin de notre réalité pour nous y replonger tout aussi vite. Mais, cette fois, en attaquant les questions fondamentales, celles qui définissent notre appartenance à l’espèce humaine.
Erectus, un nouveau roman de Science-Fiction dont le titre surfe adroitement sur une possible connotation sexuelle ? Un nouveau roman de Science-Fiction réécrivant Jurasic Park ? Pas vraiment ! L’auteur nous entraîne dans une histoire qui pourrait ne pas être si fictionnelle que cela. Il nous plante dans notre petit monde confortable de ce XXIe siècle en nous confrontant à la rumeur d’un virus qui s’attaque à tout ce qui vit, plantes, bêtes et hommes, et qui provoque une régression de l’espèce renvoyant l’Homme, ce au Sapiens, pensé comme sage, à un modèle bien antérieur, l’Homme erectus, semblant n’être capable que de se tenir droit … et de contaminer son entourage par simple égratignure ou morsure.
Alors que notre monde scientifique n’a en tête qu’un modèle d’évolution de l’espèce, de toute espèce, l’auteur bouscule les codes en introduisant comme facteur d’évolution, la régression ! Rien que cela… Il y a déjà bien des pistes à réfléchir, bien des points de vue, des états d’âme à interroger, nuancer, choisir comme axes fondateurs ou non.
Est-on dès lors dans la seule fiction, même scientifique ? Pas seulement. Pris dans des mécanismes de terreur, de protection, de recherche de vaccin et de course contre la montre, le lecteur entre dans ce roman, se laisse absorber par les différents intervenants et, très vite, se surprend, s’il est honnête avec lui-même, à se sentir écartelé entre des sentiments contradictoires. Défense des intérêts particuliers ou de l’intérêt publique ? Et où se situe ce dernier ? Dans l’efficacité d’un maintien de l’ordre établi et la protection des bien portants ou dans la reconnaissance de l’humanité des malades et leur droit à la vie et aux soins ?
Insidieusement, l’auteur nous fait basculer d’un roman de science-fiction à un conte philosophique qui pose de très bonnes questions dont l’extrapolation à celles posées par les sinistrés de la vie comme le sont les peuples touchés par des attaques virales, par des ‘accidents’ chimiques ou des crises migratoires … apparaît comme des évidences aux réponses parfois tellement contradictoires.
Avec une écriture très lisible, une parfaite clarté dans le déroulement de l’histoire comme dans la description apocalyptique de cette mutation de l’Humanité, le tout saupoudré d’un petit air de romance faisant écho aux musiques un peu guimauve de Noël, l’auteur nous tient en haleine.
On ne dépose pas un tel livre. On ne remet pas à demain la suite d’un récit qui titille notre curiosité autant que nos valeurs. Ce roman est bien de notre temps, de notre monde ! C’est nous qu’il interroge. Que répondrons-nous et à partir de quels principes ?
Merci aux Editions XO et à NetGalley, France pour la découverte de ce bon roman.