Quelle est la probabilité pour que quelqu’un perde sa mère et son frère dans un accident de voiture puis, quatre ans plus tard, son père dans un nouvel accident ? C’est pourtant ce qui arrive au narrateur de Et rester vivant, qui se retrouve à 22 ans seul à la tête d’un petit héritage qui va lui permettre de donner corps à un rêve, né de l’écoute d’une chanson de Lloyd Cole : se rendre aux Etats-Unis, plus précisément à Morro Bay.
En compagnie de ses meilleurs amis, Laure et Samuel, il va parcourir les routes californiennes à bord d’une Thunderbird en cet été 1986. Mais ce voyage n’est pas pour le narrateur une balade touristique, c’est une manière de fuir le drame ou d’essayer de l’apprivoiser pour continuer à avancer, quoiqu’il arrive. Et rester vivant.
Il est écrit roman sur la couverture de ce livre mais c’est bien au cœur de sa propre histoire que nous plonge Jean-Philippe Blondel. J’ai lu ces 240 pages d’une traite happée par l’histoire et la force de vie qui s’en dégage.
Le ton est parfois légèrement ironique lorsque l’auteur convient lui même par exemple de l’invraisemblance des choses : « Personne ne perd son frère et sa mère, puis quatre ans plus tard, son père - à l’âge de vingt-deux ans. Ça n’arrive jamais, ce genre de choses. Même dans les romans. Il y a une limite à l’indécence, quand même. ».
C’est un livre par lequel il faut se laisser imprégner : par les souvenirs du narrateur qui remontent à la surface et dressent le portrait de sa famille, par l’amitié qui lie les trois voyageurs, par la tristesse, la sensibilité et même la poésie présentes à chaque page, par les paysages des Etats-Unis et les rencontres faites au fil du voyage mais aussi par l’extraordinaire pouvoir de vie qui émerge du récit et par l’humour jamais bien loin chez Jean-Philippe Blondel.
C’est évidemment un livre sur le deuil mais c’est aussi un livre puissant sur la résilience et d’une profonde sincérité.