Ce sont 18 courtes nouvelles qui composent ce recueil. Et je dois dire d’emblée qu’Anne Fadiman est loin d’être ce qu’elle qualifie de « lectrice ordinaire ». Elle est journaliste et essayiste, mariée à un écrivain (George H. Colt), fille d’un critique littéraire et d’une auteure. Autant dire qu’elle a grandi dans un chaudron littéraire bouillonnant et qu’elle est donc dans la courbe des grands lecteurs. C’est d’ailleurs une passion héréditaire qu’elle transmet à ses propres enfants, Susannah et Henry.


Sont évoqués pêle-mêle différents tracas ou expériences de vie. Par exemple, elle raconte le jour où son conjoint et elle ont décidé de mélanger leur bibliothèque respective. Cela peut paraitre anodin mais comment faire cohabiter deux vécus et tout autant d’ouvrages dépareillés. Elle évoque les dédicaces, le traitement du support (marque-pages ou cornes sauvages ?), les lectures de situation (quand vous lisez un livre sur la Grèce en vous trouvant vous-même en Grèce), les coquilles, les annotations et toutes ces habitudes qui changent le texte initial.


Ces nouvelles sont de valeur inégale. J’ai bien cru abandonner au départ tant le style paraissait surfait. J’ai bien fait de persévérer car c’est par la suite que j’ai trouvé les anecdotes et passages qui m’ont le plus marquée :


La plus belle dédicace que l’on m’ait jamais écrite, qui n’est peut-être pas aussi brillante que celle de l’Ecossais, mais que je n’échangerais certainement pas, est couchée sur la page de titre de L’énigme du suicide, par George Howe Colt. Je n’ai jamais dormi avec le livre, mais j’ai dormi plus d’une fois avec l’auteur. (Quel chemin parcouru, George, depuis notre nouvelle et fidèle amitié.) A ma femme chérie… Ce livre t’appartient, comme ma vie t’appartient, elle aussi. (p.78)


Alors qu’il se penche pour m’embrasser et me souhaiter bonne nuit, je ne regrette pas d’avoir abandonné les sprints amoureux de nos jeunes années. Le mariage est une course de fond et la lecture à haute voix une sorte de boisson énergisante romantique pour revigorer les coureurs quand il leur arrive d’être épuisés. (p.169)


Ce que j’aime avec ce type d’écrits c’est que ça encourage à lire encore et encore. Car les gens passionnés ont cette faculté de transmettre qui est indéniable lorsqu’on est un tant soit peu intéressé par le sujet. Je me dis qu’il serait fantastique qu’il y ait davantage de lecteurs ordinaires car notre monde n’en serait que meilleur !

Melopee
7
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le 8 nov. 2018

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