"Expo 58", signé Jonathan COE. Je l'aperçois en librairie, je suis accroché par le titre. Aussitôt, je suis l'enfant qui, à six ans, visite l'expo, ne comprend pas trop la symbolique de l'Atomium, est impressionné, tout de même, en passant sous la flèche du Génie Civil, trouve comique la manière dont est coloriée le Pavillon japonais, découvre le téléphérique qui surplombe la fabrication du chocolat Victoria, déambule dans le pavillon du Congo et vois des 'nègres' pour la première fois de sa vie, a peur dans le vivarium des serpents, est cerné et panique au coeur de l'attaque de la diligence par les indiens du cinéma circulaire panoramique. Heureusement, en fin de journée, l'enfant déguste une glace, dite américaine, soft ice avant de s'endormir, épuisé, sur la banquette du petit train qui lui fait faire un dernier tour de cette Expo qu'il n'oubliera jamais.
50 ans plus tard,je revisiterai l'Atomium et m'intéresserai à sa construction, prouesse technologique autant que condensé de tous les manquements de sécurité imaginables pour les travailleurs, des anonymes, à qui on doit ce chantier titanesque pour l'époque! Atomium rime donc pour moi avec nostalgie de l'enfance et prise de conscience de l'adulte. A plus de 60 printemps, je me saisis du livre, l'ouvre et le lis quasi d'une traite.
La première partie me rappelle une kyrielle de bons souvenirs, l'humour que nous nommons: 'Britannique' y est présent et l'apologie du surréalisme de 'ces belges emmerdeurs' mais 'bons vivants' est de mon goût. Je suis le rythme d'écriture de Jonathan COE avec plaisir, sans me presser. Je n'ai pas besoin d'entrer dans le vif du sujet avant d'avoir fait le tour de mes souvenirs... A mi-livre, cependant, l'histoire décolle. Parodie burlesque des romans d'espionnage, rappel des prosélytismes idéologiques de l'époque - côté Est comme Ouest - tout aussi décalés de la réalité, l'auteur nous livre un récit d'espionnage couleur 'guerre froide' qui n'est, en fait, qu'une réflexion sur nos ratés personnels, notre incapacité de passer de nos rêves d'une société de progrès aux projets qui lui donneraient de vivre. C'est une histoire triste, c'est celle de l'homme de 1958 ... c'est aussi la nôtre, l'homme du début du 21 ème siècle!
Mais c'est 'gentiment raconté'... Expo 58, un livre à tiroirs: souvenirs; humour décalé et surréalisme; interrogation sur l'homme, sur la difficulté à rester fidèle aux valeurs existentielles et sur l'incroyable naïveté de l'homme face aux mécanismes de manipulation des individus par l'Etat pour asseoir une illusoire suprématie sur les autres pays tout en professant une ouverture au Monde!
Une fois de plus, un livre qu'on peut ne lire que pour l'histoire (sans grand enthousiasme, alors) ou qu'on peut décoder en termes de réflexion et d'interrogation sur ce qui nous pousse vers
'l'Universel', coincés, bien souvent, dans nos nationalismes peu porteurs d'à-venir utile pour le futur de nos enfants.